Noé traîne derrière lui cette image de blockbuster hollywoodien dont les seules fins sont de faire du commerce et de remplir les caisses. Certes, il s'agit d'un film d'aventures à grand spectacle. Mais il ne faut pas passer à côté du fait qu'il s'agit de Darren Aronofsky à la réalisation. Un réalisateur à qui l'on doit notamment une paire d'ovnis tels que Pi, Requiem for a Dream, The Fountain, The Wrestler ou encore Black Swan. Tous en fait ! En effet, des films qui ne laissent pas indifférent et qui placent discrètement Aronofsky comme l'un des meilleurs réalisateurs post-2000. Je dis "discrètement" car il fait sans conteste partie de ces cinéastes aux ambitions personnelles débordantes, dotés d'un esprit créatif hors-norme et d'une capacité de mettre en image unique, sans pour autant tomber dans le show-business sans âme et aseptisé.
Noé resitue librement la célèbre histoire de l'arche de Noé. En effet, le film se démarque à de nombreux égards de l'histoire originale. Mais je ne m'attarderai pas là-dessus car j'estime ne pas en connaître suffisamment sur le sujet. Je préfère m'appuyer sur le film en lui-même, le travail du cinéaste et de ses acteurs.
Tout d'abord, Darren Aronofsky s'éloigne dès les premières minutes des codes hollywoodiens et nous livre un spectacle visuel saisissant. Il parvient à constituer une époque oubliée ou légendaire, aucun indice ne nous permet de nous situer dans le temps. Cet univers nous transporte d'ores et déjà dans quelque chose d'inconnu, mettant en éveil nos sens comme nous en avons rarement l'habitude. Le ciel lumineux et étoilé, ces créatures de pierre ou encore ce contraste de couleurs, ce gouffre entre ténèbres et lumière. Autant dire que l'aspect visuel m'a touché de par ses diverses "imperfections", ce qui offre, pour ma part, une modernité inédite au cinéma d'aujourd'hui.
Pour les acteurs, je n'ai pas grand chose à leur reprocher. Nous les connaissons mais les découvrons sous un nouveau regard au milieu de ce monde imaginaire. Russell Crowe se démarque de ses autres rôles et offre une nouvelle prestation fort plaisante. Auparavant, j'avais l'impression de voir toujours le même personnage dans chacun de ses films, seul le nom changeait. Je le trouvais identique d'un rôle à l'autre. Emma Watson nous confirme bien ses talents d'actrice ; elle se décroche avec brio de la saga Harry Potter (elle sera la seule, je pense) et nous réjouit d'avance sur son avenir en se positionnant comme une actrice en pleine progression.
Darren Aronofsky livre donc son dernier ovni, une oeuvre mystique et cohérente, mais tout de même imparfaite et qui manque parfois de structure. Mais là est tout autant le point fort, celui d'un réalisateur qui expérimente de par ses ambitions démesurées et qui parvient à nous déconnecter de notre propre réalité pour nous questionner sur les fondements même de notre existence et de celle de notre monde. Et même si certaines scènes d'émotions sont, pour ma part, un peu trop accentuées, Noé est une nouvelle oeuvre, atypique et moderne, qui tient une véritable identité de par son réalisateur.