Il est rare de nos jours, on le sait, de réaliser une comédie qui fait vraiment rire son public sans utiliser la bêtise, les artifices de l'absurde ou du déplacé.
Et Noël Joyeux témoigne de cette rude épreuve que subissent nombre de réalisateurs qui tentent tant bien que mal de s'adapter au regard collectif, à l'humour sociétal, au rire français.
Pour ce faire, Clément Michel utilise un schéma classique de la comédie qui est de basculer le train de vie d'une famille pseudo-bourgeoise ("pseudo" car pour nous attacher aux personnages on assume souvent qu'ils ont en réalité mérité leur argent ou alors qu'ils s'imprègnent juste des commodités de la Haute sans en être vraiment membre).
Il met alors en scène le rôle incontournable du français type par excellence, celui qui possède une caractéristique toujours en relation avec l'histoire du pays : un peu trop chauvin, un poil raciste, mysogine, capitaliste ou encore nombriliste. Dans ces rôles exagérés qui révèlent toujours une part de vérité, on pensera avec plaisir aux plus grands qui les ont endossés tels que De Funes, Gabin, Clavier, Jugnot, Depardieu (oups polémique)...
Franc Dubosc incarne pour sa part un catholique fanatique de Noël portant un si grand intérêt pour cette fête qu'il en devient sourd des réclamations de sa femme.
Si sa performance est assez remarquable et tout à fait en adéquation avec son personnage, je ne serais pas aussi optimiste pour Emmanuelle Devos qui semble enchaîner les répliques machinalement plutôt que d'affirmer le vrai embarras dans lequel Béatrice se trouve (sa peur de vieillir, son envie d'une soirée en tête à tête, son acabit de femme sous le joug du patriarcat). Quant aux deux actrices qui jouent les personnes âgées, Danièle Lebrun et Danielle Fichaud, j'avoue n'avoir jamais eu affaire à une interprétation de leur part auparavant, mais de ce que j'ai pu voir ici, il est difficile de ne pas reconnaître une certaine vérité dramatique dans leur jeu qui représente si bien le mal de la vieillesse, le mal de la vie après la vie.
Les procédés humoristiques sont plutôt prenants, que ce soit par la situation initiale ("l'adoption" le temps d'un soir), la singularité des caractères (principalement Jeanne et Monique), l'ambivalence des personnages (l'âge, le caractère, le sexe, la situation financière, le voisinage,...), les péripéties (pas trop absurdes pour venir nous prendre de force un rire, pas trop anodines pour qu'on oublie de sourire), on rit franchement (et les réactions de la salle peuvent en témoigner).
Dans l'ensemble, si l'on ne s'esclaffe pas durant l'entièreté du métrage, c'est aussi parceque le réalisateur à choisi d'emprunter la voie de la tendresse.
À l'inverse du passé carcéral de Jeanne, Noël est, au delà de son aspect religieux, un moment de partage et de douceur qui représente les aspects les plus importants de la vie : l'amour, la famille, les amis, les rencontres. Et certes parfois la soirée est brusque, la vie est brusque, mais cela se résout souvent, simplement, au coin d'un feu, tous ensemble.
L'humour factuel, celui qui se contente de situations notables, est un art périlleux et très pointilleux en raison de spectateurs qui s'épaississent nerveusement et deviennent, à travers le temps, aussi insatisfaits que des êtres à la fleur de l'âge.
Alors en ce réveillon, ainsi que le personnage de Vincent nous en fait la leçon, soyons indulgents et aimants envers ceux qu'on aime et ici, en l'occurrence, au genre cinématographique qu'on adule.
Oublions le temps d'une séance à quel degré la morale est (ou non) bidon, profitons simplement d'une comédie qui ne cherche plus tant à nous faire absolument rire mais à nous réunir dans le rire. Une comédie qui se sait sans grande originalité et qui l'assume, car c'est aussi cela la beauté de Noël : sa simplicité.