Attaquer un sujet aussi délicat que la prostitution adolescente demandait beaucoup de tact et de justesse. Pour ne pas sombrer dans le putassier et le voyeurisme ou, à l’inverse, tomber dans un embellissement de cette pratique de plus en plus courante chez les jeunes filles, il fallait jouer au funambule sur le fil de la pudeur. Geneviève Albert, pour son premier film, y parvient le plus souvent mais de nombreux petits détails la font parfois tanguer dangereusement du côté du trop. En cause, forcément, ces séquences montrant les moments de sexe tarifés proscrits par la loi du fait de l’âge des jeunes filles. Il y en a trop, elles sont présentées de manière bien trop répétitive et ce qui est filmé et montré est proche de l’inutile ou de l’excès, se rapprochant presque de la recette du choquer pour choquer. C’est parfois également au détour d’un dialogue ou dans la manière dont a été écrit le personnage principal voire même dans la façon de conclure le film. Albert verse donc parfois un peu trop dans cette sorte de voyeurisme, notamment dans la seconde partie, en additionnant un trop grand nombre de scènes très crues montrant ces passes dans une chambre d’hôtel. Séquences auxquelles la cinéaste juge bon d’ajouter un compteur qui s’affiche sur l’écran pour nous informer combien elle en a fait... Un peu limite mais d’un côté très frappant. Tous ces moments, on hésite donc entre le fait que cela permet de voir la cadence infernale qu’on peut imposer à ces filles ou l’aspect répulsif qui ne nous donne pas envie d’assister à cela. Il fallait certes bien montrer la dureté de ce que vivent ces jeunes filles, à quel rythme, volontairement ou non, mais il y a peut-être un peu trop de séquences de ce type qui martèlent plus que de raison ces aspects peu reluisants. A force, c’est redondant et cela finirait presque par se retourner contre le film. Et, si au final on comprend bien que « Noémie dit oui » se positionne bien sûr contre cela, comme un œuvre qui tirerait la sonnette d’alarme, on ne ressent pas assez le désastre psychologique que cela a pu avoir sur l’héroïne, ni la gravité de la situation. Et comme l’aspect argent facile est bien montré, on est à la limite de ligne rouge qui rendrait cette pratique commune et pas si monstrueuse. Alors film qui veut juste choquer? Film nécessaire et d’utilité publique? Ou un peu des deux?
On serait tenté de d’affirmer que « Noémie dit oui » développe un peu des deux et s’en sort tout de même largement avec les honneurs si ce n’est cette ligne de fond parfois un peu douteuse mais involontaire, on le sent. Et ce long-métrage s’avère plaisant et surtout captivant en grande partie grâce à l’incroyable interprétation de la jeune Kelly Depeault qui, près de deux ans après son un rôle similaire d’adolescente en détresse dans « La déesse des mouches à feu », nous en remet une couche et impressionne. Une boule d’énergie aussi à l’aise dans la colère que dans la détresse à laquelle on s’attache fortement. Elle explose de naturel et se montre digne des plus grandes. On suit avec attention ces pérégrinations dans le Montréal d’aujourd’hui où la jeunesse est montrée comme dépravée et sans but si ce n’est celui de l’argent facile et de la procrastination. La manière dont le sexe est banalisé et surtout relativisé par les garçons qu’elle fréquente en dit long sur les techniques de recrutement de ces jeunes filles qui deviennent escort mineures. On aurait aimé que le scénario soit un peu plus développé plutôt que de juste se limiter à cette trajectoire en forme de chronique adolescente menant au weekend du Grand Prix et cette accumulation de passes. Mais on se passionne tout de même pour le parcours de cette jeune fille malheureuse mais combattante jusqu’à la dernière image. Une œuvre qui se termine sur une note d’espoir qui aurait gagné à être moins joyeuse tout de même après ce que le personnage a vécu. Un film néanmoins coup de poing, qui prend un sujet délicat par les cornes et le traite frontalement, âprement et parfois maladroitement, malheureusement.
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