Garance,une petite fille,est enlevée et tuée.Dix-sept ans après elle se manifeste à travers des messages,des coups de téléphone ou des dépôts d'objets.Puis les personnes liées à sa disparition sont assassinées une à une.Ses parents,désormais séparés,sont très perturbés et la police peine à résoudre l'affaire.Ce film est généralement considéré comme une exceptionnelle réussite dans la carrière d'un Jean-Pierre Mocky qui avait à cette époque sombré dans une sorte d'amateurisme le poussant à sortir des oeuvres bâclées.Ce n'est pas faux car ce polar étrange flirtant avec le fantastique se révèle effectivement très supérieur à sa production habituelle d'alors.Il adapte ici,comme il l'a souvent fait,un polar américain,écrit en l'occurrence par Carlene Thompson.Bénéficiant de moyens plus importants que de coutume et particulièrement inspiré par cette terrifiante histoire,Mocky est entouré d'une équipe technique assez fournie et d'une solide distribution.On retrouve ainsi auprès de lui des complices traditionnels comme le scénariste André Ruellan ,l'assistant Christophe Bier ou l'opérateur Edmond Richard,et des nouveaux tels que le musicien Gabriel Yared,Eric Fourniols,futur réalisateur ici assistant ou Bruno Zincone,également cinéaste,et Lola Doillon,qui le deviendra plus tard,au montage.Cette dernière doit probablement sa présence au fait que la vedette du film est sa belle-mère Jane Birkin,qui vivait en ce temps-là avec son père Jacques Doillon.Quant à Mocky,il cumule comme d'hab les fonctions de réalisateur,scénariste,dialoguiste et monteur.Utilisant à merveille les décors suisses proches de Zurich et de la source du Rhin,JP livre un joli polar d'atmosphère sombre,bizarre,glauque et délétère.Les teintes grises et déprimantes de la photo d'Edmond Richard se prêtent admirablement à cette ambiance froide,humide,démoralisante et souvent nocturne soulignée par la musique angoissante de Yared avec sa comptine flippante.La mise en scène est au diapason,Mocky proposant des scènes changeant constamment de lieux et de personnages,chacune d'elles faisant progresser l'intrigue sans pour autant l'éclaircir,car en plus le mystère reste entier jusqu'au bout et le twist final a de quoi surprendre.En attendant on découvre une galerie de protagonistes tous plus douteux les uns que les autres,et chacun d'eux peut être soupçonné.De surcroit le réalisateur nous régale comme il sait si bien le faire avec des intervenants,qu'ils soient comédiens ou simples figurants,arborant tous des physiques curieux et disgracieux,des comportements équivoques et des dictions pâteuses,ce qui renforce notablement la dimension inquiétante du film.A ce propos il apparait que chez Mocky,même avec un casting de haut niveau,les acteurs parlent faux,au point qu'on a l'impression que c'est fait exprès pour augmenter l'étrangeté du climat.En effet les acteurs,excellents,sont justes dans leurs attitudes,leurs mouvements ou leurs expressions,mais leur phrasé est toujours bizarrement décalé,à côté de la diction normale attendue.La distribution mêle comédiens français et suisses,et permanents du Mocky Circus et néophytes.Jane Birkin,défaite et moralement torturée,incarne à merveille cette mère à la fois terrifiée et heureuse à la perspective de revoir son enfant disparu.Sabine Azéma est solaire et insolente en meilleure amie indéfectible mais pas si claire que ça.Côté masculin il y a l'allemand Matthias Habich,très bon en père ayant sombré dans l'alcoolisme pour oublier sa culpabilité,et un Jean-François Stévenin qui a plusieurs fois tourné pour JPM et se montre étonnant en flic dragueur et pugnace.Et puis bien sûr il y a le regretté Benoît Régent,qui mourra à l'hôtel à la fin du tournage,jetant un voile de tristesse sur le film.On trouve aussi là Jany Holt,vieille pie malfaisante,qui avait été une jeune première très prisée du cinéma français des années 30-40,jouant dans des oeuvres comme "Le baron fantôme" et "La fiancée des ténèbres" de Poligny,"Un grand amour de Beethoven" de Gance,"Le Golem" de Duvivier ,"L'alibi" de Chenal ou "Les anges du péché" de Bresson.Parmi les acteurs fétiches de Mocky on voit Alain Fourès en curé,Dominique Zardi en flic et l'indispensable Michel Bertay dont le physique de vampire sied si bien aux rôles de notables pervers et dangereux.