Umsunai, 7 ans, vit au Kirghizistan avec sa famille dans une yourte. Combien de personnes vivent encore de cette façon, en semi-nomades à des altitudes justifiant le titre ? Suffisamment peu pour donner une valeur certaine au film, rien que par ce qu’il montre. Quelques personnes, trois générations, quelques animaux et un site visible par la seule volonté du réalisateur, Mirlan Abdykalykov qui immortalise un mode de vie qui lui est cher. Même si vivre en communion avec la nature présente un charme certain, la conjonction de l’attrait de la ville et de futurs travaux pour construire une ligne de chemin de fer risque fort d’avoir raison de toute cette beauté.


La particularité du site m’a donné une impression de déjà vu, malgré ma méconnaissance presque totale du Kirghizistan Il s’avère que cette sensation vient d’un écho avec Le voleur de lumière (Aktan Arym Kubat – 2011), autre film situé au Kirghizistan qui montre un ou des sites ressemblant fortement à ce qu’on voit ici. Renseignement pris, le pays est très montagneux, avec quelques vallées enclavées qui communiquent par des cols situés en altitude.


Umsunai vit avec Shaiyr sa mère (le mari s’est noyé dans la rivière) et ses grands-parents (les parents de son père disparu). Au début du film, Ulan le grand frère d’Umsunai revient de la ville où il fait des études d’architecture. Après des retrouvailles émouvantes, on constate la difficulté qu’il éprouve à décrire la ville à sa petite sœur. Il pourrait s’inspirer du bâtiment de la station météo non loin de l’endroit où la yourte familiale est installée.


Le film s’attache plus particulièrement à Umsunai, fille joueuse, espiègle et enjouée qui aime les histoires et aussi rester au lit le matin pour paresser un peu en serrant contre elle sa poupée rudimentaire (son grand-père ne l’entend pas de cette oreille). Le film pourra donc être apprécié par un public jeune, même si de nombreux détails le destinent à un public adulte.


Un film plutôt lent, tendance contemplative qui convient bien à ce que cherche à montrer le réalisateur : un mode de vie qui risque malheureusement de disparaitre. Malheureusement parce que rien ne viendra remplacer le contact avec la nature et surtout parce que le site (remarquable) risque de se trouver irrémédiablement défiguré.


Ce site, Mirlan Abdykalykov le réalisateur le met parfaitement en valeur. Non seulement, il réussit naturellement à montrer comment trois générations cohabitent et perpétuent un mode de vie, mais il utilise l’espace à sa disposition pour faire sentir sa grandeur et ses particularités (la végétation et les montagnes avec leurs zones de lumière et de couleur, leurs ombres et les plissements du terrain), tout en l’intégrant dans son intrigue. Ce terrain, la famille d’Umsunai le surveille, car leurs chevaux y galopent en liberté. Très belles séquences, en particulier lorsqu’Ulan (potentiel futur chef de clan), gratifié d’un cadeau dont il cherche fièrement à se montrer à la hauteur, tente d’attraper au lasso le jeune cheval qui sera amené à devenir le mâle dominant lorsque l’actuel cédera la place par la force de l'âge.


Umsunai aime tellement les histoires qu’elle y croit facilement, surtout quand son grand-père raconte. Sa préférée est celle où celui-ci la rassure en lui disant que non, son père n’est pas mort et qu’il veille toujours sur la famille, sous la forme d’un aigle qui est parfois visible, tournoyant au-dessus du site. On sent à ce propos les rapports entre les uns et les autres, car sa femme jette un coup d’œil au grand-père pour un petit reproche en forme de non-dit : est-ce bien raisonnable de dire à la petite que son père n’est pas vraiment mort ? Dans le même style, on remarque que la grand-mère exerce un vrai pouvoir sur la famille, car d’un échange de regards elle fait sentir à la mère d’Umsunai son désaccord après qu’elle ait compris que la jeune veuve cherche un autre homme. La veuve aurait bien trouvé quelqu’un qui lui plait, mais cela voudrait dire partir à la ville avec lui. En tant que personne active, son départ serait très difficile à combler, l’échange de regards suffit à la dissuader.


Mirlan Abdykalykov ne se contente donc pas de présenter un film qui séduira par un exotisme facile. Il accroche son public par des personnages attachants qui vivent dans une région difficile et surtout il fait œuvre de cinéaste en montrant les relations entre les personnages et leur milieu (entre eux également), par une mise en scène qui donne à voir et à comprendre au spectateur. Aux scènes intimistes dans la yourte, il apporte un contrepoint bienvenu avec les scènes d’extérieur qui sont de toute beauté. Finalement, c’est tout juste si on remarque la relative minceur du scénario et le dénouement sans véritable originalité.


Film vu le 12 février 2017 à Vesoul, au 23ème FICA (Festival International des Cinémas d’Asie), où j’étais invité sur proposition de SensCritique. Merci à SensCritique et à toute l’équipe du FICA !

Electron
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le 5 mars 2017

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