On l’attendait de pied ferme ce film : Lion d’or à Venise, lauréat des Golden globes et récemment récompensé de trois Oscars ! La peur d’être déçu était grande face à cette avalanche de prix et de louanges lues et entendues depuis quelques semaines au sujet du 3e film de Chloé Zhao.
Après Les Chansons que mes frères m’ont apprises et le brillant The Rider sorti en 2017, la réalisatrice d’origine chinoise s’est intéressée une nouvelle fois aux laissés-pour-compte de l’Amérique, évoquant cette fois ces citoyens américains de plus en plus nombreux qui ont décidé pour des raisons multiples de vivre en toute liberté et sans contrainte sur la route, à bord d’un van, d’un camping-car ou d’une caravane.
Parmi ceux-ci, il y a Fern, une femme proche de l’âge de la retraite, sans ressource et qui n’arrive pas à faire le deuil de son mari – incarnée par Frances McDormand (également productrice du film), et qui sillonne les routes et du côté du Nevada. Un personnage complexe et passionnant qui va tisser au fil des jours des liens avec cette communauté de nomades un peu particuliers, mais aussi contraint à travailler comme intérimaire chez Amazon dans une cafétéria ou dans un camping pour pouvoir payer son essence et subvenir à ses besoins.
À travers ce film magnifique – inspiré par le livre enquête de Jessica Bruder sorti en 2017 (Nomadland : Surviving America in the Twenty- First Century) – , Chloé Zhao tisse le portrait bienveillant et tout en nuances d’une vaste communauté faite d’hommes et femmes vivant sur les routes d’Amérique et qui en ont fait de ce mode d’existence, pour ainsi dire, une philosophie de vie.
Grâce à une mise en scène brillante, dans des décors de “carte postale”, et avec des plans d’une grande beauté, on s’immerge très vite dans ce film, on se retrouve au cœur de cette communauté sans cesse, en mouvement, où l’entraide est de mise, où les gens sont bienveillants malgré les difficultés, avec des personnages souvent filmés au plus près, sans jamais tomber dans les bons sentiments et dans l’émotion facile… même si parfois Chloé Zhao à tendance à vouloir un peu trop soigner l’emballage.
Et derrière le message social et anticapitaliste – avec notamment une séquence où il est question de la crise de 2008 – , on découvre une aventure humaine bouleversante avec des passages même assez contemplatifs dans une sorte de road-movie philosophique, mélancolique sans réels enjeux dramatiques dans un registre assez caractéristique d’un certain cinéma indépendant américain qui attache autant d’importance aux personnages qu’à leur environnement naturel.
Un film plein d’empathie de générosité de fraternité qui évite toute forme de cynisme, porté par les notes de piano de Ludovic Enaudi.