On est au spectacle où on n’y est pas?

Ce qu’il y a d’intéressant dans le film de Jordan Peele, c’est son storytelling retors, ses propositions visuelles et comment il peut se déployer sur plusieurs genres: l’épouvante ( où le frisson l’emporte sur le gore), la science-fiction ( qu’est donc cet Ovni? Que veut-il? Que craint il? Un raisonnement que le taiseux OJ déploie car on sent le sens observation du jeune éleveur de chevaux très tôt dans le film.) ou même l’esprit buddy-movie à sa place ( OJ, sa sœur,Angel et Park sont des archétypes d’adultes n’ayant pas grandi et prolongent leurs vies d’ados dans des conversations cool, un attrait pour le spectacle ou les hamburgers régressifs). Ce qui marque, c’est cette façon de lier deux événements à priori dissemblables (le pétage de plomb du singe sur un tournage de série familiale des années auparavant et l’apparition de cette soucoupe dans le ciel californien) et finalement de les mettre en résonnance/ dissonance. Nope, ne fait donc pas que proposer mais projette des sensations dans l’esprit du spectateur où un sens infime peut naître.Ainsi le jeune acteur asiatique revenu du drame du plateau télé et devenu adulte tenancier d’un parc d’attraction cowboy,n’a-t-il pas un rapport au spectacle différent ( il se convainc malgré son traumatisme de réguler l’action plutôt que de la subir et on voit où cela le mène).Chaque personnage mérite alors une attention approfondie sur le sens de ses actions et Jordan Peele met le curseur au delà du divertissement pour mettre l’analyse sur ses protagonistes et son dispositif. C’est à la fois brillant et déroutant et parfois on se demande si on doit prendre ce que l’on voit ou comprend pour du lard ou du cochon. Entreprise sacrément culottée mais payante sur le rendu hors norme, non balisé et pas du tout téléphoné. Si vous vous prenez au jeu de Nope, vous êtes vigilant du début jusqu’à la fin et tenter de déchiffrer l’action, l’avancée des événements jusqu’au dernier plan. Dans le cas contraire, vous pourriez crier à l’invraisemblance ou à la surenchère des situations. En préférant le frisson à l’effroi, les atmosphères étranges à la clarté immédiate, Jordan Peele vous embarque dans un voyage captivant, énigmatique et rarement vu. On est au spectacle ou on n’y est pas? Non,non.

Specliseur
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le 12 août 2022

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