L’ouverture est catastrophique : une voix off prétentieuse de grande fille infatuée ânonne maladroitement son texte, sur fond d’images de la Normandie, noyée de brume, en son réveil. Puis la caméra rejoint la maison de cette petite Parisienne en exil forcé. On se trouve donc dans la famille de bobos fortunés, tentant une transplantation normande censée porter ses fruits en un temps record, alors que le père (François-Xavier Demaison) développe allergie sur allergie... C’est la partie la plus démonstrative, la plus appuyée et donc la plus ratée du film...
Fort heureusement, le scénario se tourne rapidement vers le petit village du Mêle sur Sarthe, dans le Perche. Un lieu que le réalisateur, Philippe Le Guay, connaît bien, pour y passer une partie de ses vacances depuis son enfance. Sans doute la connaissance intime de cette contrée et de ses habitants a-t-elle joué un grand rôle dans l’élaboration du projet, sur quatre ans. Aussitôt, en effet, le film s’anime, se galvanise, et l’on perçoit, de manière sensible, l’enthousiasme de tout un groupe, acteurs professionnels et gens du cru, pour donner corps à cette aventure.
Après l’exposition, à l’occasion d’un barrage paysan sur la Nationale 12, des problèmes douloureux rencontrés de nos jours par le monde agricole, un vent de folie souffle sur la placide Normandie : un photographe américain, inspiré par l’existant Spencer Tunick et incarné avec beaucoup de fantaisie et de sensibilité par Toby Jones, décide de réaliser dans la commune, sur le champ Chollet, l’une de ses médiatiques photos de nus, mobilisant toute la population. Ce serait, pour ce petit pays, l’occasion d’une reconnaissance nationale, puisque les projecteurs de l’actualité artistique se retrouveraient braqués sur lui et sur ses habitants, fût-ce pour une gloire éphémère...
Dès lors, le scénario suit les efforts du maire, M. Balbuzard (formidable François Cluzet), pour vaincre les réticences de ses pudiques administrés et les amener à accepter de retirer, jusqu’à la plus ultime, leur moindre pelure. Animé tout à la fois d’une fougue et d’une bonhomie particulièrement convaincantes, François Cluzet emporte le film dans son élan, secondé en cela par quelques comparses qui semblent avoir épousé la cause avec autant d’entrain : outre le duo très sympathique formé par le photographe Blake Newman et son acolyte (Vincent Regan), on se délecte devant la prestation de Grégory Gadebois en boucher maladivement jaloux, l’œil bas et la carnation sujette aux fluctuations de sa versatile humeur ; plaisir égal à retrouver Philippe Rebbot, l’unique, en fermier ulcéré par une ancienne spoliation d’héritage qui aurait poussé son père à la pendaison ; Arthur Dupont en imprimeur qui revient au pays, aussitôt prêt à en repartir et pas totalement au clair avec ce qu’il désire...
Le point de départ est certes assez cousin du britannique « The Full Monty » (1997) et la fin de cette boucle de bonne humeur rejoint son début dans une relative indétermination. En effet, on voit mal, au-delà de l’anecdote, en quoi cette photo de la population, nue, sur le champ Chollet, changerait véritablement le destin du village. Mais l’aventure donne place à une savoureuse galerie de portraits et le scénario, élaboré par le réalisateur, Olivier Dazat et Victoria Bedos, est emmené par des dialogues suffisamment vifs et pleins d’esprit pour que le spectateur ressorte content, comme s’il venait de passer un moment réjouissant avec une bande d’amis chers...