C'est après avoir lu la critique d'un éclaireur (Gérard Rocher) qui avait attiré mon attention sur "Normandie Nue" que je l'avais inscrit dans ma liste sans fin des films à trouver. De plus un film de Philippe Leguay que j'ai déjà apprécié à une ou deux occasions pouvait s'avérer intéressant.
Film de terroir dont l'action se passe dans un petit village de l'Orne, en Normandie. Cela ne pouvait que m'intéresser même si je ne connais pas cette partie de la Normandie, le Perche, et que j'habite beaucoup plus au nord …
Le fil rouge de ce film, ce sont les difficultés chroniques des agriculteurs, ici des éleveurs de bovins, dont les marges sont laminées par la grande distribution, rendant la rentabilité de leurs exploitations et les remboursements de leurs dettes aléatoires voire délicats.
L'idée intéressante du film, c'est la dynamique que développe le maire de la petite commune, contre vents et marées, pour tenter de sortir du marasme. Les blocages des routes n'ayant éveillé aucun écho au niveau des médias ou du pouvoir, il saisit l'opportunité du passage d'un photographe américain de réputation mondiale pour créer "l'évènement majeur" : une photo de groupe des hommes et femmes du village avec une particularité : tous à poil …
Oui, mais voilà, les gens ont beau se connaître depuis toujours, la pilule est plutôt dure à avaler.
Au-delà du problème de pudeur ou de gêne ou de morale religieuse ou non, on voit surtout ressurgir les vieilles rivalités, les histoires de propriétés mal bornées mais aussi les jalousies entre fermiers ou entre commerçants et villageois. Ceci est effectivement très réaliste et très crédible. On reconnait bien là une certaine mentalité de nos campagnes où la terre commande, où on ne lâche pas la terre, où on ressort de vieux grimoires dûment enregistrés pour justifier un droit de passage acquis deux siècles auparavant. Issu d'une autre campagne française, je peux assurer que tous ces points sont bien véridiques et parfaitement transposables.
Philippe Leguay rend admirablement bien cet état d'esprit. En parallèle, il développe aussi l'histoire de ces parisiens qui ont lâché la vie trépidante citadine pleine de contraintes insupportables pour une vie à la campagne au calme. Lui, fait du télétravail mais se tape allergie sur allergie, Elle, fait cuire des pains (de campagne…) qu'elle vend au marché et Fifille s'emmerde à cent sous de l'heure et en veut à la terre entière de vivre dans ce trou perdu.
Il en va de même de ce retour hésitant à la campagne d'un jeune parti à la ville et qui finit par se convaincre de la meilleure voie à suivre.
Que la photo se fasse ou ne se fasse pas est une question qui finit par devenir académique car au final, je n'arrive pas bien à discerner quel gain va pouvoir espérer le village. Et surtout quelle pérennité en attendre. À ma connaissance, un évènement médiatique, un coup ! n'a jamais transformé durablement la vie. Surtout à la campagne.
Après avoir regardé le film, j'en viens même à me demander si Philippe Leguay et son équipe ont construit le scénario sous le bon angle. Je pense qu'il n'a pas eu le cran d'aller jusqu'au bout de l'idée initiale puisqu'il met en place un rebondissement final assez artificiel qui a l'avantage de faire plaisir au spectateur (que je suis) mais qui a l'inconvénient d'affaiblir la portée du film. C'est un peu dommage.
Du côté du casting, tout tourne autour de François Cluzet dans le rôle du maire du village, qui porte le film sur ses épaules. Un acteur tire aussi son épingle du jeu, c'est Gregory Gadebois dans le rôle du boucher désemparé par le projet de photo à l'idée que sa femme, ancienne célébrité de Miss locale, puisse participer à cette fameuse photo. On le sent très investi et convaincant dans son rôle plein d'émotion. D'une façon générale, le casting révèle certaines faiblesses non en termes de jeu des acteurs et actrices, pleins de chaleur et bien cohérents avec leurs personnages mais dans le fait que les personnages secondaires ne sont pas assez fouillés. Comme par exemple le couple formé par le jeune photographe et la jeune ouvrière de la laiterie, aurait mérité un traitement de faveur.
Au final, c'est un film sympathique que j'ai bien aimé. Il met notamment bien en valeur la vie contrastée et pas si calme d'un petit village à travers différents portraits souvent bien convaincants.
Ma principale interrogation concerne en définitive la pertinence de l'idée de base du film qui ne peut guère apporter une solution durable aux difficultés des éleveurs.