Revoir ce magnifique "Nos Années Sauvages" alors que Wong Kar-Wai est devenu le cinéaste magistral que l'on connaît, permet de trouver déjà en gestation dans son second film l'essentiel de "In the Mood for Love" et "2046" (parenté soulignée - d'une manière presque surnaturelle par sa prescience - par la dernière scène, énigmatique et magique, introduisant un Tony Leung jusque là absent !). A la fois rapide - par les sautes sidérantes dans la narration et la temporalité - et lent - son romantisme aigu exige de prendre le temps de contempler les corps et les visages -, "Nos Années Sauvages" dégage une émotion intense, bien propre à l'univers si particulier de son auteur, qui repose sur les rencontres dans un récit apparemment aléatoire, comme si Wong lui-même ne savait jamais vraiment où son film va le mener. Cet effet de surprise - voire d'émerveillement - devant l'imprévu, pour le coup sauvage, de la vie fait tout le prix de ce film libre et puissant, moins formaliste et moins fétichiste que les œuvres suivantes du cinéaste. A noter en particulier la superbe rupture de ton et de rythme dans la dernière partie, aux Philippines, qui devrait emporter l'adhésion des plus réfractaires à la magie de Wong Kar-Wai. [Critique écrite en 2005]