Le cinéma aura aussi servi à ça : regarder la réalité en face, surtout quand elle offre un visage peu amène. Erreurs judiciaires, abus de pouvoir, aveuglement politique, autant de défauts non véniels dans le viseur des réalisateurs les plus engagés, qui font moins d'entrées que les superhéros en justaucorps moulant, soit, mais qui apportent leur pierre à l'édifice de la conscience sociale. Ici, il s'agit de revenir sur l'assassinat par les voltigeurs de la police de Malik Oussekine, en 1986, pendant les manifestations étudiantes contre la loi Devaquet. J'étais en 2nde, les "grands" avaient bloqué le lycée, deux compères et moi, empêchés d'y entrer, avions loué une vidéo et découvert Alien, alors vous pensez si je leur suis reconnaissante, aux étudiants engagés ! Autant dire que la portée politique du mouvement m'avait complètement échappé. J'ai mis des décennies à m'y intéresser, il y avait toujours plus frappant, des tours jumelles qui s'effondrent, les terroristes qui zigouillent des gens dans tous les coins du monde, alors un dérapage policier, vous pensez... Mais il y a eu les Gilets Jaunes, "Un pays qui se tient sage" et tous les éditoriaux qui revenaient sur la violence institutionnelle, malgré les dénégations des Ministres successifs, comme les reportages postérieurs à la vague #meetoo sur l'invisible oppression des femmes, et cette impression étouffante de vivre dans un monde de brutes épaisses, parfois déguisées en héros, qu'ils soient médecins ou policiers. C'est l'heure du grand ménage, du bilan de conscience de tout un monde gangréné par les violences pensées comme légitimes. Ces explosions de brutalité pure dont les auteurs se sont laissés porter par le raz de marée collectif de l'abus de pouvoir sur les plus faibles. Les enfants placés, les filles mères, les Arabes... Malik Oussekine est sorti du lot, alors qu'en même temps que lui, Abdel Benyahia tombait sous le feu d'un policier salement éméché, devant un bar. Alcoolisme, violence, bêtise, il faut bien appeler un chat un chat et regarder sans détourner le regard toutes les occasions dans lesquelles la brutalité la plus révoltante s'est drapée de bonne conscience et a été couverte, surtout, par des hiérarchies dont les préoccupations étaient centrées sur leur propre perpétuation. Rarement a-t-il jusque là été question de prendre soin des plus faibles, d'autres considérations ont toujours pris le dessus. Un film de plus pour nous appeler à la raison. Un film bien fait, bien joué, qui ne convaincra probablement que les convaincus, une fois de plus, mais il faut continuer à essayer, qui sait ?, un jour prochain...

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le 4 juin 2024

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