Chacun(e) d'entre nous à ses meilleures années

Pour ma 100 ème critique, je vais parler de ce film italien que j'ai découvert symboliquement le jour de mes 30 ans, considérant vivre encore mes meilleures années.


Je vais commencer ma critique par la durée, comme ça, je serais tranquille après. Oui, « Nos meilleures années » dure exactement 5 heures 58 minutes et 23 secondes, ce qui en fait, pour le moment, le film le plus long que j’ai vu de toute ma vie. Donc, « Nos meilleures années » par sa longueur, c’est une expérience. Mais une expérience intéressante ?


Oui, très intéressante. Je savais que « Nos meilleures années » était initialement une mini-série en trois épisodes pour la télévision italienne.
Mais ils ont décidés de sortir finalement l’œuvre en salles, lui faisant récoltés un très grand nombre de récompenses. Aujourd’hui, « Nos meilleures années » reste une emblème du cinéma italien moderne. De ce fait, comme initialement c’est une mini-série, les scènes et plans sont rarement longs.
« Nos meilleures années », c’est le récit, sur trente-six ans, de 1966 à 2002, d’une famille italienne tout ce qu’il y a de plus banale de la classe moyenne.
Il y a quatre enfants, dont et surtout deux frères qui sont étudiants, l’un en littérature, l’autre en médecine, la mère est institutrice et le père est dans les affaires, mais n’y réussit pas brillamment.
Je vais, à présent, parler de l’œuvre et je le dis tout de suite, faut avoir absolument « Nos meilleures années » au moins une fois dans sa vie. Et moi ça faisait dix-huit ans que je voulais découvrir cette œuvre.
L’histoire de la famille Cariti nous est raconté à partir de l’été 1966, en pleine période d’examens, à l’aube des vacances : Matteo, l’étudiant en littérature, révise intensément ; son frère Nikola est étudiant en médecine mais préfère s’amuser avec ses copains, persuadé de toute façon d’échouer à son examen. Les deux frères ont prévu, avec leurs copains de partir au Cap Nord pour l’été.
Sauf que leur plan va être vite contrarié puisqu’au cours d’un job, qu’il fait pour financer ses études, Matteo est chargé de s’occuper de Giorgia, une jeune femme atteinte mentalement et terrifiée lorsqu’on la touche : qu’aurait-elle subit ? Il prend des photos d’elle et les montre à Nikola : elle a subit des électrochocs. Matteo décide de l’enlever de l’institut et avec Nikola, décident de ramener Giorgia chez son père et espérant rejoindre leurs copains, plus tard… mais ça va mal tourner, Nikola prend d’affection (et non d’amour, je précise) la jeune femme qui semble plus rassurée avec lui qu’avec Matteo, plus vraiment patient avec elle. Mais elle se fait arrêter.
Les deux jeunes hommes ne savent plus quoi faire. C’est alors que Matteo, sur un quai de Gare annonce sèchement à Nikola qu’il va s’engager dans l’armée, laissant son frère comme ça sur un quai de Gare, qui reprendra le voyage de ses copains mais trouvera refuge dans ses idées dans une communauté hippie…
Par la suite, les routes des deux frères vont se recroiser notamment à travers l’inondation de Florence, les manifestations de 1968, les révoltes menant à la présence intensive des Brigades Rouges, etc. : je révèle cela seulement pour rappeler que « Nos meilleures années » met en parallèle la vie de cette famille et montrer comme l’Histoire de l’Italie va impacter parfois durement sur ses différents membres.
Le fond historique est parfois très direct, parfois discret (les différents bouleversements politiques sont annoncés à la télévision, à la radio qu’écoutent les personnages), peut-être trop discret puisque pendant de longs moments, l’Histoire ne semble en aucune impacter sur les personnages.
Comme toute famille, il y a des joies, des peines : nous assisterons logiquement à des mariages, nous voyons les enfants grandir, des décès, etc.. Le temps passe sur les personnages, en un plan, nous passons à des années plus tard et en quelques plans nous constatons leurs évolutions.
Mais évidemment toute œuvre s’intéressant à des êtres humains puisque les personnages sont parfaitement crédibles, c’est leur psychologie, mais ce que j’aime beaucoup, c’est que cette œuvre, qui contient certes énormément de dialogues, nous dit beaucoup sur la psychologie d’un personnage à travers un acte, souvent sans parole ; un regard. C’est simple, explicite.
De ce fait, surtout Matteo et Nikola, ne nous apparaissent pas forcément attachants puisqu’ils nous sont montrés dans leur humanité et je pense, il y a des moments où on nous trouve parfois détestable, parfois attachant. Et tout humain ne peut pas être parfait, angélique.
Matteo et Nikola sont radicalement différents : Matteo est quelqu’un tout en retenu et qui laisse exploser sa colère parfois, c’est le personnage sans doute le plus intéressant et dans lequel je me suis le plus reconnu, parce que c’est peut être le plus sensible des deux frères.
Je me suis reconnu vraiment en lui – à un moment, car


il fuit clairement sa famille. Scène qui m’a frappé au cœur : il vient d’emménager dans un petit appartement à Rome, sa sœur vient le voir et lui dit qu’il n’a prévenu personne qu’il avait emménagé, près d’elle et de leur mère à qui il ne semble pas avoir donné de nouvelles depuis des années.


D’ailleurs, pendant un long moment, le récit ne suit la vie que de Nikola, on se demande bien ce qu’est devenu Matteo et ce n’est pas un hasard. Plus tôt, quelques années plus tôt, à une jeune femme qu’il croise, il mens sur son prénom, il dit s’appeler « Nikola ». Comme si il fuyait son identité.


Donc lorsque sa sœur vient le voir, elle lui dit : « Qu’est ce qu’on t’as fait pour que tu agisses ainsi ? ». Cette fuite de la famille m’est apparu comme un miroir, moi qui depuis tout petit, fuit ma famille.
Matteo apparaît de plus en plus isolé, n'arrivant pas, aussi, à s'engager sentimentalement. Ainsi contrairement à son frère Nikola, qui au début apparaît comme un Don Juan avant de se caser, on ne voit pratiquement jamais Matteo avec une femme, ainsi à un moment, il fait venir une prostituée dans sa voiture.


Jamais son comportement, de plus en plus isolé vraiment, solitaire et à la fois révolté, ne nous sera expliqué. Les gens qui ont pu théorisés diront que ce sont les pressions de l’Histoire qui expliqueraient son comportement mais si c’est le cas, le récit ne nous l’a dit qu’à travers quelques petites touches.
Nikola, lui sera tout le contraire, jovial, sociable, ouvert aux autres, engagé et apparaît clairement comme un sauveur d’âmes sauf qu’il apprendra à plusieurs reprises qu’il n’a pas pu sauver les gens à qui il tient le plus.
Ce qui est aussi vraiment bien avec « Nos meilleures années », c’est que jamais, y compris lorsqu’ils sont détestables, il y a un jugement, une condamnation porté sur les actes et paroles des personnages. Comme dans toute œuvre chorale, les séquences s’enchaînent, comme des morceaux d’un puzzle qui une fois assemblé est vraiment impressionnant.
Alors bien sur il y a quelques facilités, quelques trop grosses coïncidences, mais ça fonctionne et j’avoue que j’aurais écris probablement les mêmes rebondissements, donc voilà.
Moi je connais assez peu l’Histoire italienne (si ce n’est à travers des récits d’« Affaires sensibles ») et bien c’est très enrichissant, et aussi par le nombre de décors, on voyage de Rome, à la Norvège, de Florence, à Milan, à Palerme, etc.., et les références culturelles : littéraires (« Nos meilleures années » est très poétique), musicales (il y a des morceaux d’époques mais jamais surchargés, il y a très peu de musique finalement), cinématographiques (mais très rares)… dont la quasi totalité je ne connaissais même pas. A commencer par le musicien Astor Piazzolla, dont le morceau « Oblivion » sert de générique et apparaît plusieurs fois en fond sonore.
Il y a certains morceaux toute fois que je connaissais car mon père, qui est de la même génération que Matteo et Nikola, a écouté tant de fois dans sa salle.
« Nos meilleures années » est donc un récit sur trente-six ans : Nikola est le personnage fil rouge du récit, au début il a vingt ans à peu près et à la fin en a plus de cinquante et ça fait vraiment cogiter sur le temps qui passe. Le récit s’arrête en 2002... et se dire que depuis, dix-neuf nouvelles années sont passées.
Perso, j'ai connu les onze dernières années. L’œuvre traite, surtout dans les dernières années, de l’inévitabilité du temps qui passe. A un moment, nous sommes en 1980, Nikola : « Oh tu te rappelles de cet été en 1966 ? », qui nous a été montré à nous, quelques heures plus tôt.
Donc c’est vraiment un regard sur le temps, inévitable, qui passe. Le titre promotionnel de cette œuvre a été sortie était « Le film culte d'une génération » et c’est cela, c’est une génération précise. Les jeunes gens du début, sont (presque...) tous adultes, ayant atteints la cinquantaine à la fin. Nous les voyons vieillir progressivement mais discrètement.
Je pense évidemment aux clips « ‘74-’75 » de The Connells tournés à vingt-deux ans d’intervalle.
D’autres œuvres comme « Boyhood » traitent aussi du temps qui passe.
Et « Nos meilleures années » le fait avec un grand tact, les décès ne sont jamais spectaculaires et les proches doivent vivre sans eux, avec leurs deuils désormais.
Mais c’est vraiment frappant, le temps qui passe, les choses que l’on fait, les choix que l’on fait.
Et le fait que l’on doit vivre avec beaucoup de regrets : les choses qu’on aurait du faire et que l’on ne se pardonne jamais.
Cela m’a fait penser évidemment à mes parents, étant respectivement plus âgés que moi, de trente ans pour ma mère et quarante ans pour mon père.
Nous sommes en 2021 au moment où j'écris ces lignes, nous sommes depuis un an et demi plongés dans une crise due à un virus.
Peut être dans quelques années, quelques décennies, un(e) cinéaste fera un film sur une famille qui aura traversé notamment cela : ce sera sans doute très intéressant.
Car « Nos meilleures années » nous rappelle qu’à chaque époque, il y a des bouleversements, il y a toujours des choses, aujourd’hui : c’est un virus, il y a presque vingt ans : c’était le début d’une plongée paranoïaque contre le terrorisme. Il y a toujours eu quelque chose dans l’Histoire.
Et le virus aujourd’hui, ce n’est que quelque chose de plus qui sera inscrit dans la Mémoire de l’Histoire.


Je vais finir de parler de cette œuvre, par évoquer l’interprétation qui est parfaite – même si le casting est très photogénique -, la réalisation très sobre et discrète de Marco Tullio Giordana, même si dans les affrontements psychologiques, j’aurais aimé que la caméra bouge plus - ne bougeant d’ailleurs que lors d’affrontements entre manifestants et forces de l’ordre et faisant plusieurs beaux plans séquences et montrant par petites touches l’évolution de la technologie surtout de la télévision, des téléphones.
Qui plus est, comme les acteurs principaux qui vieillissent, qui étaient entre deux âges (environ 35 ans au moment du tournage), ils ont pas eu trop besoin de maquillage car les acteurs paraissent plus jeunes ou plus vieux sans trop d’efforts.


Pour ceux et celles non italophones et ne veulent pas lire des sous-titres pendant quasi six heures, la version française est de grande qualité : le casting vocal, à commencer par Cédric Dumond (Matteo) et Arnaud Arbessier (Nikola) est fort bien choisi et excellent.

Derrick528
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le 2 août 2021

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Derrick528

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