Hué au Festival de Cannes en 2015, le dernier film de Gus Van Sant a eu du mal à venir voir le jour dans les salles de cinéma françaises. Après être repassé par la casse montage pendant près d’un an, la France se décide à enfin sortir le film, étant d’ailleurs un des rares pays a avoir eu le courage de le faire, les Etats-Unis ne s’y étant pas encore résolus. Malgré des mauvais avis, il y a quand même une curiosité qui entoure ce long métrage, d’abord parce que c’est un film d’un cinéaste talentueux qui a offert des grands films comme Gerry et Elephant, deux films qui n’avaient pas forcément eu des retours à leur hauteur, Gerry fut même un échec commercial assez retentissant. Donc on peut toujours avoir de l’espoir pour ce The Sea of Trees, Van Sant n’ayant pas forcément connu le succès avec ses meilleurs films mais au contraire avec des projets plus grand public et insignifiants. Néanmoins, malgré un remontage qui aurait dû rendre le film plus agréable, on constate très vite que le cinéaste réuni tout ce qu’il y a de pire dans son cinéma et que tous les remixages du monde ne pourront rien y changer.


Scénarisé par Chris Sparling, auteur de Buried, une série B efficace avec Ryan Reynolds, le film va très vite accumuler tous les poncifs de ce genre de drame existentiel. Plongeant régulièrement dans des monologues pompeux qui enrobent des banalités pour les faire apparaître en vérité, le récit est globalement sur-écrit dans ses personnages et ses mécaniques nous laissant très vite entrevoir où se dirige l’intrigue. Le tout est prévisible, vain et grossièrement amené, l’écriture se sentant obliger de souligner le moindre effet pour faire comprendre au spectateur ses intentions. C’est surtout quelque chose qui prend forme au cours des 3 épilogues du film, chaque épilogue venant expliquer le précédent pour ne laisser aucune place à la spéculation et se faisant même insultant pour l’intelligence du spectateur. Et avec cette accumulation de conclusions, on est face à un scénario qui traîne en longueur et qui se montre laborieux au fur et à mesure de son avancement. L’ensemble n’est pas aidé par des personnages qui ne fonctionnent que par des clichés et des stéréotypes en faisant d’eux des coquilles vides qui manquent d’authenticité. Malgré la volonté de donner corps à la relation entre le personnage principal et sa femme à travers des flashbacks emprunts de lourdeur, le film échoue à les rendre intéressants et, pire que ça, il les ridiculise lorsqu’il dit que, pour connaitre une personne, il faut savoir sa saison et sa couleur préférées. Ça manque de substance, c’est grossier dans sa symbolique, notamment quand il donne corps à la métaphore qui entoure le conte Hansel & Gretel, prouvant qu’il tient la capacité de déduction de son spectateur en peu d’estime, et surtout il tente de mettre du suspense de façon bancale là où il n’y en a pas besoin, accouchant de certains passages aberrants de stupidité. Pourtant il faut reconnaître qu’au début cela semblait bien parti. Le premier tiers du film est intéressant, arrive à apporter une touche de mysticisme agréable et plutôt originale, usant des légendes et croyances japonaises avec habilité et arrivant à donner corps à l’ésotérisme qui entoure la forêt d’Aokigahara. Le parti pris était plutôt accrocheur, le build-up autour des motivations des personnages et de la découverte de la forêt est bien géré et on passe une première demi-heure plaisante.
Le casting suivra la courbe de progression du scénario. Au début les acteurs sont convaincants, jouant les choses avec sobriété mais une fois que le film part dans tous les sens, les acteurs suivent la mesure. Matthew McConaughey fini par faire un cabotinage ridicule, prenant les dialogues les plus médiocres bien trop au sérieux et offre une mauvaise caricature de lui-même. Ses derniers temps il n’évolue plus trop dans son jeu et ici il rejoue la même partition en totale décalage, n’arrivant ni à émouvoir ni à convaincre. Ken Watanabe s’enfonce dans une performance outrée et totalement en roue libre où il finit par ne plus sortir qu’une seule expression, celle des yeux écarquillés et de la bouche à moitié ouverte. Il semble parfois traverser le film avec son air ahuri, se demandant comme son personnage ce qu’il fait là, mais pas pour les même raisons. Seule Naomi Watts arrive à offrir une prestation juste et touchante malgré la mauvaise écriture de son personnage. Elle ne se laisse pas noyer par les clichés et arrive à trouver la nuance de son rôle.
La réalisation sent le chaud et le froid. La photographie est agréable, magnifiant les décors déjà somptueux de la forêt et fait un travail intéressant sur les effets d’ombres et de lumières pour retranscrire tout l’aspect glauque et mystique de l’endroit. On regrettera juste un montage qui alourdit le rythme, plaçant ses flashbacks maladroitement, et le tout est desservi par une musique mièvre et insupportable. Celle-ci est de plus envahissante et répétitive, le film préférant mettre de la musique là où le silence aurait eu plus d’impact. La mise en scène de Gus Van Sant est maîtrisée mais impersonnelle, on a connu le cinéaste plus inspiré et il semble ici être en pilotage automatique. Néanmoins il y a une certain savoir-faire dans la composition des plans et dans le travail sur l’ambiance, qui possèdent de bonnes fulgurances. D’ailleurs tout ce qui entoure l’aspect survival du film est plutôt réussi, on ressent l’aspect purgatoire de l’environnement, la découverte des cadavres sont toujours des moments entre la poésie et la noirceur survivaliste et certains passages de tensions et de montées d’adrénalines sont aboutis et assez impressionnants. Ils sortent le long métrage de sa torpeur et accroche le spectateur, montrant à un ou deux moments que Gus Van Sant est encore capable d’offrir de très bonnes choses.


En conclusion The Sea of Trees n’est pas seulement le plus mauvais film de Gus Van Sant, c’est aussi tout simplement un mauvais film. Tout n’est pas à jeter, comme une première demi-heure agréable, Naomi Watts toujours aussi juste et une mise en scène qui a ses bons moments. Néanmoins on se demande comment un tel projet a pu aller aussi loin avec autant de défauts, surtout quand il est chaperonné par un grand cinéaste. Ici c’est mal écrit, souvent mal joué en raison d’une direction d’acteurs aux abonnés absents mais en plus pour un drame qui est censé faire ressentir des choses, il échoue totalement. Il mise bien trop sur la musique mièvre pour faire passer ses émotions mais cela agace plus que ça fonctionne. L’oeuvre étant en plus souvent insultante pour son public dans sa volonté de tout expliquer avec des gros sabots, ce qui amène son erreur la plus impardonnable, son manque de sincérité qui se mue en opportunisme. Tout est fait et pensé pour être quelque chose d’émotionnel et de profond pour se donner des airs importants tout en étant suffisamment accessible pour ne pas paraître trop complexe et élitiste. L’approche devient évidente et donne l’impression de vouloir forcer son spectateur à crier au chef d’oeuvre. C’est petit, vain et limite honteux.


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Frédéric_Perrinot
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le 1 mai 2016

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