Interview mit einem Vampir
"Oh comme il m'aurait plu d'avoir mon mot à dire à l'époque ! Mais j'admets que les images sont suffisamment éloquentes, le clair et l'obscur se livrent à une danse silencieuse dont les motifs m'ont littéralement pétrifié, fasciné, à tel point que je n'ai alors pu me mouvoir de ce fauteuil inconfortable sur lequel j'avais pris place.
La lenteur et l'immobilité sont des choses que je connais. Ne m'a-t-on pas vu, au gré de cette pellicule, terré au fond de mon cercueil, le regard vitreux à travers une brèche dans le bois vermoulu ? Mon ombre n'a-t-elle pas rampé avec une atroce indolence le long de ces murs, déchirant leur clarté avec ses griffes acérées ? Ma silhouette n'a-t-elle pas hanté vos nuits dés lors que j'apparus sous ce porche ou sur le pont de ce navire, fixe et menaçant ?
Je reconnais volontiers mon egocentrisme, sans doute un effet secondaire de mon affliction. Néanmoins j'ai su être également absorbé par les images inoubliables de ce château d'Orava perché sur son promontoire, par les décors des rues de Wisborg, par ces pièces étriquées propres à créer un sentiment de claustrophobie et, vous vous en doutez, par le teint d'albâtre de Greta Schröder dont le cou de cygne éveille encore en moi des émotions que la morale m'empêche de décrire. Oh ces lourdes boucles de cheveux noirs, cette démarche hésitante de somnambule !
Et comme j'ai ri des pathétiques déambulations de ce prétendu héros ! Comme j'ai jubilé lorsque les noirs bataillons des rats ont répandu leur pestilence !
Vous serez peut-être surpris de savoir que je n'ai pas pris ombrage de cette fin peu flatteuse qui fut la mienne sur cette pellicule. Elle m'a au contraire émerveillé. Naturellement je n'ai pu entendre le chant du coq, habilement suggéré par les images, mais apprenez que, pour la première fois depuis si longtemps, j'ai réellement cru voir le soleil se lever."