Film d’une ampleur et d’une ambition impressionnantes pour l’époque, Nosferatu est un régal visuel. Plongée, contre-plongée, jeu d’ombres, toute la grammaire du film est ici mise en place. Dans un jeu encore théâtral, mais qui à lui seul transcende les codes du muet, de longues scènes à la progression implacable intensifient les sentiments d’effroi et la montée du désir. L’insolite, aussi, est frappant visuellement, comme toute cette séquence où Dracula, le cercueil sous le bras, arpente la ville.
Le montage alterné des différents récits et de la convergence des courses à travers landes et mer est lui aussi admirablement mené, même si je ne sais pas s’il est d’origine tant les durées et les copies divergent… Murnau a compris un élément capital : l’horreur épouvante réellement dans sa diffusion. Le frémissement des paysages, la profondeur de champ d’une rue où les cercueils défilent, le bestiaire très important (la hyène, les chevaux, les rats…), les façades menaçantes… autour du vampire se propage, dans une allégorie visuelle de la peste, l’angoisse et les faces sombres du désir.
Une splendide séquence, vers la fin, nous montre l’ombre des mains si caractéristiques du vampire se déployer sur la toile de la robe blanche de sa victime : le cinéaste dit ici toute la puissance de la projection dans l’art jeune qu’il pratique à merveille.
Un très grand film.