Ce docu-fiction retrace le chemin difficile de John Hull, professeur de théologie à l’Université de Birmingham, qui perdra la vue définitivement en 1981 et enregistrera un journal audio pour méditer sur la mémoire et la perception.
James Spinney et Peter Middleton, se lancent dans un travail compliqué à retranscrire par l'image cette immersion à la fois sensorielle et intellectuelle de John Hull.
Une mise en scène réussie et deux acteurs convaincants, Dan Skinner et Simone Kirby. Un film lent, intimiste, qui accroche à partir du bon premier tiers, le temps de s'immerger dans cette narration entre flashbacks et vie nouvelle.
Comment arriver à enseigner, écrire, à se déplacer, à regarder grandir ses enfants. La dépression par ses moments d'absence et la prise de conscience d'un autre monde. De ce drame, le professeur va s'interroger :
"Comment les aveugles et les gens qui ne le sont pas peuvent-ils réellement se comprendre ? Comment les riches peuvent-ils comprendre les pauvres ? Comment les hommes peuvent-ils comprendre les femmes ? Comment les jeunes peuvent-ils comprendre les vieux ? Est-il possible de pénétrer l’esprit des autres ? C’est la grande question de laquelle dépend l’unité des êtres humains”.
Dans le déni du départ, John dira : "On ne veut pas y croire, on continue d'espérer"...Il décidera progressivement d'accepter, pour continuer d’enseigner et demandera à ce que soient enregistrés sur une multitude de cassettes audio, tous les textes nécessaires à son travail ; durant plusieurs années, il enregistrera sur magnétophone, ses réflexions, sa frustration, ses interrogations mystiques, ses défaites et sa peur de devoir vivre "une autre vie".
De cette masse de travail, les metteurs en scène ont tenté de retranscrire cette ambiance entre perte de repères et sens exacerbés, et appuient par une photographie et une bande sonore réussies. Les sons sont magnifiés notamment par cette belle scène de pluie, où les gouttes qui tombent sur la route, les feuilles, le toit...permettront à John, grâce aux multiples tonalités, de se situer dans l'espace... et de rêver à une pluie torrentielle à l'intérieur de sa maison !
Plans et contours floutés, visages invisibles ou qui s'estompent... et une alternance régulière entre lumineux et assombrissement progressif, entre rêve et réalité. La privation de stimulations optiques signe aussi la perte des souvenirs, mais de son subconscient et de sa mémoire visuelle, sorte de porte de sortie à sa cécité, John pourra dans ses rêves, lumineux et colorés, vivre comme en plein jour.
En l'état, et malgré les effets sonores et de mise en scène il est difficile de percevoir la réalité de cette perte de vision, dans la mesure ou au fil de la narration nous sommes, nous, toujours spectacteurs. On peut toujours tenter de fermer les yeux et d'écouter les gouttes d'eau tombées...à défaut d'une réelle expérience de l'obscurité.
De ses Notes on Blindness, John Hull tirera en 1991 "Le Chemin vers la nuit", préfacé par le neurologue Oliver Sacks, qui salua le travail de John Hull. Un premier court-métrage, également intitulé "Notes on Blindness", des mêmes auteurs, a remporté un Emmy Award et a donné lieu ensuite à ce long métrage.