« L’espace d’une vie est le même qu’on le passe en chantant ou en pleurant », la sagesse philosophale de ce proverbe pourrait être un excellent exergue au film de Hirokazu Koreeda, véritable épicentre d’un plaisir rare, l’Amour dans sa vision la plus large, celui qui touche à l’intime, à la vie.
Sachi, Yoshino et Chicka, trois sœurs qui vivent ensemble dans la grande et vétuste maison de famille, décident après s’être rendues à l’enterrement de leur père, d’accueillir Suzu, leur demi-sœur, ce qui provoquera une espèce de rupture dans leur quotidien, et dans leur mode de fonctionnement.
De ce scénario à la fois très simple et en même temps très complexe, découle une étude de personnalités brillante, calquée sur le rythme des quatre saisons, au niveau espace temps, mais également de manière beaucoup plus parabolique. Chacune des sœurs représentant un âge de la vie. Suzu, la jeune fille innocente en plein éveil, Chika à l’apogée de ses espérances, Yoshino qui semble avoir brulé ses belles saisons et enfin Sachi, le cœur en hiver. C’est un véritable livre d’heures que le réalisateur nous propose de parcourir, un récit spirituel profondément altruiste où s’entremêlent l’existentialisme de la tradition à celui de la modernité, une sorte de passerelle incorporelle entre les valeurs d’un passé rassurant et celles en constante évolution d’un avenir incertain, mais prometteur. Tout dans « Notre petite sœur » est éloquence, éloquence des sentiments, des images, des idées.
Irradié par cette plénitude et cette sagesse qui traversent le film, j’ai été littéralement transporté autant que bouleversé. Aucun effet sensationnaliste, une simplicité à toute épreuve, cette juxtaposition de scènes n’a qu’un seul but livrer une épure de l‘amour, celui qui unit ces sœurs, leurs proches, celui qui respecte les traditions d'un pays et de ses ainés tout en allant de l’avant. « Notre petite sœur » est un film hédoniste par excellence, aussi beau esthétiquement qu’en son fort intérieur, porté par un quatuor fabuleux d’actrices.