Nous ne vieillirons pas ensemble par Sergent_Pepper
Chronique d'une rupture annoncée.
Le titre du film annonce une fin qui ne cesse d'advenir et ne peut se réaliser pleinenemnt. Parce que les protagonistes ont peur, parce qu'ils sont lâches, parce qu'ils sont incohérents, aussi. L'exigence d'authenticité de Pialat nous met face à de médiocres humains, passifs et mesquins, qui encaissent et attendent leur heure de gloire pour faire souffrir l'autre qui vivra la même chose en sens inverse. Le couple est ainsi un chiasme, où les opposés ne se rencontrent jamais vraiment.
Récit répétitif et elliptique, qui traite avec la même intensité les silences, les non dits et les accès de violence, d'une âpreté telle dans ses dialogues les plus crus qu'il permet aux instants de répits de prendre toute leur mesure. Certains plans sont inoubliables, et ce sont les plus mutiques : le regard de Marlène Jobert à l'arrière d'une voiture, celui de Jean Yanne dans un rétroviseur disent l'impuissance des êtres et l'amour inconditionnel. Sans musique, sans glamour, le film dissèque les sentiments comme peu d'autres.
L'esthétique est assez musicale, fondée sur la répétition d'un même motif (la rupture), un mouvement de caméra très fréquent (travelling en courbe qui généralement quitte un point de vue pour accueillir l'arrivée de l'autre, en sortant de la voiture, par exemple) et peu de plans. La modulation de ces éléments aboutit à ce drame sans hyperboles, cette vie banale où la capacité de nuisance des personnages est d'autant plus redoutable qu'elle nous est familière.
Je ne connaissais pas Jean Yanne acteur dans ce registre, et il m'a totalement bluffé. Difficile de ne pas l'associer au personnage de Pialat lui-même dix ans plus tard dans A nos amours.
Jobert, solaire et gracieuse, passive et cruche, cruelle jusque dans sa soumission, est radieuses. Le plan final, dans les vagues, est absolument bouleversant et montre avec éclat les mérites de la vérité nue qu'on nous imposait durant tout le film : au sein du morne quotidien se cachent les moments les plus simples, les plus émouvants de notre vie, et les souvenirs des êtres seront toujours bien plus intenses et authentiques que ne pourra le dire la fiction.
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