Maurice Pialat offre au spectateur une vision réaliste de la passion amoureuse à travers ce portrait écorné d'un homme rompu au romantisme qui malmène les femmes de sa vie autant que lui-même. Un fabuleux Jean Yanne, sans cesse au bord du gouffre et à la compassion en dilettante, qui porte avec un flegme et une désinvolture très équivoque son glaçant tandem aux côtés de Marlène Jobert, éprise d'un mutisme tantôt frustrant, tantôt gage d'une grande abnégation et d'une bravoure sans limite.
Dans ce film de Pialat, largement inspiré de sa vie (dit-il), les plans sont longs, lents, durs, la technique n'est pas un gadget mais une manière de cristalliser l'émotion qui peut découler de certaines scènes poignantes, notamment celles de violences verbales et physiques. Il y a un fossé gigantesque entre les mots assassins que se renvoient les amoureux tribaux du film et l'extrême simplicité du cadre et de la mise en scène (dans le sens noble du terme). Sans tomber dans un misérabilisme précaire qui annihilerait la force de frappe du film, la teneur des nombreux discours pessimistes du personnage de Jean Yanne donne une dimension tragique à leur histoire, presque nostalgique tant le présent semble déjà être mêlé au souvenir. Nous ne vieillirons pas ensemble parle du délabrement d'un amour dans son plus simple appareil, sans fioritures et avec tous les excès qu'il peut comporter.
Avec ce titre poétique et très éloquent, l'idée n'est pas de cloîtrer ses personnages dans une solitude moribonde (Catherine est avec quelqu'un d'autre, lui trouvera certainement l'amour à nouveau) mais plutôt de faire évoluer l'image d'un couple d'une relation autrefois fusionnelle à une somme de deux individualités dépareillées. C'est le langage du film et ce qui émane des yeux des comédiens. Nous ne vieillirons pas ensemble est le résultat d'un échange qui dès lors est devenu un rapport de force, entre dominant dominé, entre désespoir et regrets. Un bon film, une vraie histoire.
Marlène.