"Non seulement t'es vulgaire mais t'es ordinaire en plus"
Et bien, encore un film qui nous ôterait presque l'envie de vivre une histoire d'amour. Le titre est suffisamment explicite et fataliste, Nous ne vieillirons pas ensemble est l'histoire d'une rupture, d'une romance qui finit mal. Enfin le terme "romance" est à prendre ici avec des pincettes tant le traitement âpre du film ne laisse aucune place à quelconque trace de niaiserie. A l'inverse, nous avons le droit à un Jean Yanne qui humilie et rabaisse sans cesse sa maîtresse pour qui il ressent pourtant une profonde affection. La première heure du film évoque justement cette histoire mouvementée où le personnage de Jean passe sans cesse ses nerfs sur Catherine. On a donc un individu loin d'être parfait. Pour ne pas dire un mufle, un tocard, un lâche. Et pourtant au fur et à mesure, on ne peut s'empêcher de ressentir une certaine empathie vis-à-vis de lui. C'est justement là où le film brille, dans l'évolution de ses personnages. Au départ Jean écrase Catherine et petit-à-petit, les rôles s'inversent, l'un s'adoucit face à cet amour qui lui échappe tandis que l'autre s'affranchit de cette quasi-soumission qui la retenait. C'est là toute la fatalité du film, parler d'une relation où les personnes ne s'accordent pas, ne s'accordent plus. C'est profondément pessimiste et cruel mais si vrai. Comme dans l'Enfance nue, Pialat insuffle une dose d'autobiographie et ça se ressent. Le film transpire le vrai, véhicule des émotions authentiques malgré le caractère parfois surréaliste des scènes. Je pense principalement bien sûr à cette fameuse diatribe de Jean Yanne dans la voiture avec le fameux "Tu es vulgaire" qui est d'une violence psychologique assez inouïe. On peut se demander alors pourquoi ces deux personnes restent ensemble avant de comprendre, au fil des séquences, qu'ils ont toujours besoin l'un de l'autre.
La mise en scène est très épurée mais d'une rare efficacité. Les nombreux plans séquence captent à merveille l'essence de la scène, ce qui rend les émotions qui en dégagent encore plus vives. On sent également une certaine touche d'improvisation qui n'est pas pour me déplaire même si quelques détails m'ont un peu sorti du film, du genre les passants qui regardent les comédiens et la caméra. C'est un peu dommage d'ailleurs car c'est voyant et ça casse un peu le côté vrai de l'ensemble du film. Enfin ça reste de l'ordre du détail un peu insignifiant, ce qui importe ce sont ces personnages profondément humains auxquels on parvient tout de même à s'identifier. Car ils ne sont pas idéaux, ils ont un tas de défauts. Comme nous. Je trouve cependant un peu dommage le fait que Yanne surnage parmi le reste des acteurs. Non pas que tout le reste du casting soit mauvais mais Yanne fait vraiment la différence en campant ce gros con avec un naturel très impressionnant. J'ai adoré les interactions d'ailleurs avec la famille de Catherine qui le critique assez violemment mais avec un calme absolu. La dernière demi-heure du film est vraiment émouvante, un déchirement se craint quand la fin paraît inévitable. En fin de compte, Pialat livre un film poignant et touchant. Il reste encore une marque bien vive après le visionnage d'un film qui n'est pas de tout repos. Du cinéma rude et puissant. Sans fards ni concessions. Comme je l'aime.