... Mais le monde nous a changés
Collection « Tentations par mes éclaireurs » : Ze Big Nowhere
La guerre vient de se terminer en Italie, un nouveau monde est rêvé, tout comme une révolution pour définitivement éradiquer le fascisme de Mussolini. C’est dans ce climat là que Ettore Scola nous fait suivre trois amis qui se sont liés d’amitiés lorsqu’il se battait contre les Allemands, trois amis rêveurs et bercé d’illusions mais que la vie va peu à peu séparer en même temps que la nouvelle république va prendre forme en Italie.
« Nous nous sommes tant aimés », c’est un film sur la vie, sur le passage obligé à l’âge adulte impliquant la fin des idéaux, les responsabilités, les concessions, l’éloignement de certaines personnes, les choix difficiles et les désillusions d’une génération, et c’est à travers le destin de ses trois amis, un brancardier, un avocat et un prof passionné de cinéma que Scola nous fait vivre cela. Tous les thèmes sont intelligemment traités et écrits, sans jamais tombé dans l’excès ou la lourdeur.
Des personnages très bien écrits, tout comme leurs dilemmes et enjeux dans lesquels on peut facilement se retrouver et s’identifier, trois personnages intéressants et attachants mais aussi différents et ambigus, à l’image de Gianni, capable de trahir ses idéaux par cupidité et ambition et pourtant, ce ne sera pas envers lui que Scola sera vraiment dur. Trois portraits où se mêleront amour pour une même femme, trahison, retrouvaille, solitude, regret, abandon ou encore idéaux opposés.
Mais surtout, Scola rend son film émouvant, il nous captive de bout en bout, l’histoire est passionnante et il donne une dimension tendre, nostalgique, romantique, mélancolique, sincère, poétique, parfois pathétique et d’autres fois drôle. Il rend aussi hommage au cinéma Italien avec notamment Vittorio de Sica qui apparait dans son propre rôle.
Sa mise en scène est excellente et Scola use de diverses trouvailles à l’image de la triple répétition d’ouvertures, plusieurs plans sont superbes tout comme son utilisation du noir et blanc pour le passé et de la couleur pour le présent et dans les deux cas avec une superbe photographie. Le récit est fragmenté et tour à tour raconté par les trois amis et le montage est excellent.
La grande réussite du film tient aussi dans la distribution. Les trois amis, interprété par Nino Manfredi (Antonio), Vittorio Gassman (Gianni) et Stefano Satta Flores (Nicola) sont impeccables, tout comme Stefania Sandrelli qui joue Luciana, celle qui va jouer un rôle crucial dans la vie de chacun d’eux.
Un véritable coup de cœur et une découverte que ce soit d’un réalisateur que je ne connaissais même pas de nom ainsi que d’un cinéma, moi qui n’ai même pas dû voir une dizaine de film Italien. Un film touchant, romantique, magnifique, émouvant, intelligent et attachant.