Pour son premier long métrage, Kheiron a tenu à rendre un hommage. À ses parents, éternels résistants qui, après avoir combattu la dictature en Iran, ont continué un combat tout autre une fois débarqués en France. Un film qui invite sans cesse le spectateur à être ému, sans jamais l’accueillir à bras ouverts.
Kheiron endosse le rôle de Hibat, son père, et retrace son histoire. Sans s’attarder. Simplement. Entouré de grands noms du cinéma, l’humoriste que l’on connaît surtout pour son rôle de sidekick un brin obsédé dans Bref propose un film assez nuancé. Tant sur le fond, que sur la forme. Une proposition malgré tout assez cohérente, mais qui ne parvient que trop rarement à accrocher son audience. La faute à un montage brouillon et à un jeu d’acteurs assez moyen.
TU SERAS UN HOMME, MON FILS
Tout commence en 1955. Kheiron nous immerge dans le quotidien de son père. Il nous dépeint ses origines. Issu d’une famille de douze enfants, Hibat parvient néanmoins à trouver rapidement sa place grâce à un engagement politique des plus louables. L’Iran est alors dirigé d’une main de fer par Mohammad Reza Pahlavi (interprété avec génie par Alexandre Astier). Le peuple a faim, a soif. Il désire davantage de liberté. Lui ? Il s’en fout. Pas Hibat. Fraîchement diplômé et son costume d’avocat encore tout neuf, le jeune homme est jeté en prison avec son frère Aziz pour avoir « profané » des images de propagande du monarque.
Malgré son incarcération pendant plus de sept ans, le père Hibat ne lâche rien. Il ne pense qu’à une chose : son combat. La prison n’est pas une fin en soi, il peut lutter, même derrière les barreaux. Une attitude qui lui vaudra de nombreux coups de matraque et des mois d’isolement total. Des scènes qui font forcément écho à l’état actuel du pays d’origine de Kheiron. 60 ans après, rien n’a changé, et le moindre opposant continue d’être jeté en prison et à voir sa chair marquée des coups de fouet de ses geôliers. Des images fortes, auxquelles malheureusement, on ne croit qu’à moitié. La faute à un Kheiron plein de bonne volonté, mais au jeu et à la diction trop théâtrale. L’éternel mal des films français.
Une fois libéré grâce à ses relations à l’extérieur, Hibat reprend la lutte là où il l’a laissée. Il trouvera néanmoins une alliée de poids dans son combat en la personne de Fereshteh. La femme de sa vie, son amour instantané. Campée par la toujours ravissante Leïla Bekhti, Fereshteh est un personnage problématique dans le film de Kheiron. Son apparition est trop brutale. Le crush, trop soudain. Quelque chose cloche et jamais il ne nous est offert une scène qui ferait croire ne serait-ce qu’un peu à l’amour qui règne entre nos deux personnages. Après l’avoir rencontrée, Hibat se tourne vers son acolyte et dit, le sourire aux lèvres, « je vais épouser cette femme ». C’est ce qu’il fait. Dans la scène qui suit. Une mise en scène un brin douteuse et qui ne sert nullement l’adhésion aux personnages, déjà assez loin de nos cœurs à cause d’une interprétation qui sent bon le cours Florent.
1+1=3
Estampillé comédie dramatique, Nous trois ou rien déçoit sur sa partie comique. Les vannes sont peu inspirées et récitées avec une telle application qu’elles en perdent toute saveur. Seul Gérard Darmon, qui interprète le père de Fereshteh, parviendra à nous décrocher un sourire grâce à ce bagout qui n’appartient qu’à lui. Le drame remplit bien mieux son office, avec quelques scènes qui révèlent enfin le talent des acteurs de ce film. On retiendra notamment ce coup de fil silencieux entre Leïla Bektih et Gérard Darmon. Un moment fort en émotion. Un silence pour dire beaucoup.
Car la petite famille doit fuir l’Iran. Avec un nouveau-né dans la famille (le petit Kheiron), il devient bien trop dangereux de rester dans le pays alors que la famille est cataloguée comme opposante au régime de Khomeini, le despote remplaçant. Par un déchaînement d’événements toujours aussi brouillons, le couple se retrouve finalement en France. À Stains, dans le 93. La mère patrie toujours dans les cœurs, il faut pourtant avancer. Faire sa vie dans ce nouveau pays où l’expression est libre. Chacun trouvera de quoi continuer un combat, social cette fois, dans la vie associative.
Une dernière partie de métrage un brin paresseuse, où l’écriture ne surprend plus. Les époux réussissent, s’intègrent. Eux, immigrés, qui parviennent pourtant à aider leur prochain et à soulever des montagnes pour rendre la vie de cette banlieue en friche plus agréable. On notera la bonne idée de dépeindre l’immigration comme une chance, et non comme un fardeau. Un message nécessaire, mais qui agace tant tout semble réussir sans effort à ces personnages que nous n’avons pas appris à aimer. Manouchehr, qui ne se fait pas encore appeler Kheiron, est d’ailleurs quasiment absent de cette partie du film, faisant par la même oublier pourquoi il s’intitule ainsi.
Nous trois ou rien est un film qui nous veut du bien. On sent toute l’ambition et tout le cœur que Kheiron a mis dans son ouvrage. Le fait est que cette ambition s’échappe sans cesse des mains du comédien, que l’on ne sent pas très à l’aise derrière la caméra. La réalisation est pataude et la direction d’acteurs quasi inexistante. Des défauts techniques qui auraient pu être évités si notre wannabe cinéaste avait su s’entourer d’une équipe chevronnée. Dommage.
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