Nowhere est un film qui dresse le portrait nihiliste et ironique d'une époque ainsi que de sa jeunesse. Le film montre la journée d'un adolescent nommé Dark, qui est en quête d'un amour réel dans un Los Angeles psychédélique et cauchemardesque le jour de la fin du monde. Sa journée est rythmée par voir ses amis tous très déjantés et tenter d'aller à une fête qui sera désastreuse. Dans le film la fin du monde est comparée à l'adolescence car elle laisse place à la fin de l'innocence et de la pureté pour amener à la solitude qui ronge chacun des personnages, c'est quelque chose qu'ils expriment a travers des choses différentes (le suicide, l'addiction aux drogues, la boulimie, la recherche constante de sensations fortes et des actes sexuels plutôt dérangés). Le film s'ouvre sur le personnage nu, prenant sa douche et fantasmant sur des choses qu'il n'obtiendra jamais.
Chaque personnage voit sa vie se consummer et la détresse intime du personnage principal touche chacun des autres, comme une détresse globale et désespérée. Beaucoup de codes plutôt enfantins se voient d'ailleurs détournés dans le films pour apparaître plus adultes et bien plus sombres.
La quête d'une raison de vivre (ou d'exister) s'avère très compliqué :en effet quand la vie est rythmée par l'absence d'idéal, la consommation d'ecstas et l'annonce de la fin du monde c'est difficile. Et même si le déroulement peut s'avérer banal par moment, chaque scène du film est pesante et dramatique : une ambiance de mort plane sur tout le film et l'absence d'issue met mal à l'aise, puisque la seule issue des personnages est le suicide ou la violence. Le réalisateur a un regard très juste sur le mal être adolescent et le capte a la perfection : on voit Bart dont le lien est complètement rompu avec ses parents au point où ils ne voient pas la dépression qu'il vit ni ses addictions (et pourtant c'est flagrant mais ils sont trop absorbés par des programmes abrutissants) ils ne parlent même pas la même langue dans le film ce qui est plutôt comique mais assez triste.
La ville apparaît comme irréelle avec des couleurs très saturées et des décors très pop et psychédéliques, ainsi que des éléments déjà très kitsh pour l'époque. Mais ce sont des éléments qui sont très plaisants et ingénieux puisque beaucoup ramènent à l'enfance ou semblent sortir d'un rêve étrange : je pense particulièrement aux chambres des personnages.
Personne dans le film ne se pose la question pour partir ailleurs ce qui ramène au titre. Pourtant chacun vit un enfer, aucun ne semble attristé ou perdu a l'annonce de la fin du monde, même avec des éléments qui l'annoncent. Chaque élément absurde (le panneau "god help me" , les gangs, la séance photo où les aliens) repeint et couvre le réel en étant très ironique et grotesque, ce qui fait que le style de Gregg araki est impressionnant, il n'hésite pas à rajouter des éléments pour créer une esthétique particulière au film qui rappelle les clips de l'époque. Et même si certains pensent qu'il en fait trop, beaucoup de décors sont sublimes à mon sens et sont au même niveau ou mieux que dans Doom Generation.
Araki est très moderne dans sa façon d'aborder les sexualités ou les relations en général et n'émet aucun jugement direct dans sa réalisation : le spectateur comprend grace aux dialogues ce qui est bon ou pas pour les personnages mais Araki semble extérieur a ces sujets et fait vivre ses personnages. Les personnages ne sont pas spécialement soumis à des stéréotypes et en sont même aux antipodes. Ce que l'on peut constater dès la première scène. L'idée de pulsion et de désir est mise en lien avec le romantisme désespéré des couples sans que cela paraisse forcé. Araki parle d'homosexualité, de façon de faire l'amour différentes et de couples libres sans trop en faire ni abuser de ces thèmes. Cependant il reste plutôt critique de certaines choses ce qui est extrêmement plaisant et rare car il y a un réel équilibre dans le message qu'il souhaite faire passer, mêmes si certains actes sont graves et tristes il n'émet aucun jugement sur les choix des personnages puisqu'il explique leur condition et ce qui les amènent à de telles actions.
Gregg Araki s'affranchit aussi a merveille des codes queer punk et rave a travers les tenues ou musiques ainsi que certains éléments du décors et cela participe a l'univers du réalisateur qui est absolument prenant et onirique bien qu'il paraisse absurde ou mal ficelé au début.
Le thème de la religion est à mon sens très important dans le film puisqu'il raconte l'absence d'idéal, il y a d'ailleurs beaucoup d'allusions a la religion très intéressantes. Lors du passage télé cauchemardesque et propagandiste d'un croyant qui incite a rejoindre un monde meilleur par la foi. La fille qui regarde ça n'y croit pas où n'y croit plus car elle vient de vivre un évènement traumatisant, elle finit après avoir été complètement apeurée par la séquence télé par se tuer en se disant que le type qui présentait ça a une vie bien facile bercée par l'illusion d'un autre monde meilleur. On pourrait croire qu'elle souhaite rejoindre ce "monde meilleur" mais étant donné de la violence de la scène, du développement du personnage et de l'absence d'issues tout le long du film cela semblerait plutôt incohérent. Dark (le personnage principal) ramasse aussi la croix porté par un ami après qu'il l'ait perdu, étant donné qu'il a été enlevé par des extraterrestres dans une partie de cache cache sous ecstasy (encore une fois un jeu enfantin détourné) . Ce sont d'ailleurs des extraterrestres qu'il croise depuis le début du film. C'est aussi symbolique de la fin de la foi de l'ami de Dark, même si il revient à la fin du film. Sa dernière apparition sera sa transformation en gros cafard ensanglanté lors d'une phase de mutation très étrange. Il finit par partir rapidement et laisse son ami tout seul après lui avoir promis de rester avec lui toute la vie. Le personnage se perd complètement, et n'a même plus le contrôle de son apparence. Dark se retrouve alors comme au début du film, complètement seul. Même si la scène peut être drôle elle est assez triste puisqu'elle ramène une fois de plus a la solitude et on comprend ou le réalisateur veut en venir même si cela ressemble au premier abord a un fouillis étrange.
La religion se retrouve aussi au coeur d'un dialogue qui précède une scène de sexe plutôt originale où il y a un débat entre le couple s'apprêtant a faire l'amour sur le fait de croire en dieu. Étant donné que chaque personnage a sa forme d'addiction et que le sexe en fait parti dans la film ces questions au sujet de la religion ou du fait de ne croire en rien apparait lorsque les personnages désabusés s'apprêtent à accomplir la seule chose qui les pousse à vivre. Le peu de plaisirs est apporté par le danger et des plaisirs plutôt éphémères et souvent malsains et destructeurs.
L'extrémisme politique et religieux est vivement critiqué car le film dénonce de nombreux abus de pouvoirs avec les gangs que l'on voit mais aussi dans sa critique d'Hollywood. On voit l'acteur jaason Simmons d'alerte à Malibu jouer son propre rôle et se servant de son aura pour manipuler et profiter d'adolescentes en se plaignant de sa notoriété, dont il profite par ailleurs. Il viole une fille qu'il a dragué en lui promettant des idioties et jouant sur sa naïveté, et elle finit par se suicider dans une scène très violente dans laquelle on constate juste l'état de sa chambre suivit d'une scène ou son père hurle au téléphone.
La télé et la société de consommation sont aussi critiqués. Les pubs sont remplacées par des pancartes pouvant rappeler invasion los Angeles et la télé absorbe complètement les gens et leur offre des propagandes religieuses cauchemardesques qui les font complètement oublier le reste de leur vie.
Les critiques négatives formulées sur ce film sont souvent sur l'écriture des personnages ou du scénario facile. Cela me semble cohérent avec l'idée d'Araki et avec l'univers qu'il dépeint car il représente une journée dans le film et que l'écriture est volontairement exagérée. Si les choses étaient moins extrêmes le film serait sûrement plat voir un peu vide et nowhere montre que le style du réalisateur se fait a partir d'exagérations.
On pourrait penser que le monde décrit dans nowhere est idéal puisqu'il est plutôt attrayant si l'on oublie certains drames du films particulièrement sur les décors et les personnages qui sont quand même stylés. Gregg araki reste critique de cet aspect superficiel tout le long du film.
La richesse du casting est assez impressionnante pour un film indépendant et c'est assez remarquable, le réalisateur a des acteurs des sitcoms qu'il critique et il y en a même un pour jouer son propre rôle ce qui est brillant. Chaque acteur paraît très vrai et franc dans son personnage même lorsque leur personnage est secondaire ou en retrait.
Ce film ne m'aurait pas autant touché ni impacté si je l'avais vu durant une autre période de ma vie et je suis heureuse de l'avoir découvert maintenant puisque c'est un film qui me parle beaucoup.
La véritable invasion n'est pas celle des extraterrestres mais celle de la solitude qui ronge tout le monde. Araki ne pouvait pas mieux conclure sa trilogie.

nez_acide
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le 29 avr. 2022

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nez_acide

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