Le dernier film de Naruse, son testament, peut-être son chef-d’œuvre. Sur une histoire très simple et déchirante, il parvient à nous faire partager son amour de l’humanité en même temps que son pessimisme hérité de la défaite japonaise lors de la deuxième guerre mondiale. Une jeune femme perd son mari dans un accident de voiture alors qu’elle est enceinte. La vie va la reprendre par un détour inattendu et cruel… La caméra de Naruse est magnifique de pertinence et de pudeur, la musique est discrète (ce qu’elle n’a pas toujours été dans son œuvre) sa direction d’acteur est comme toujours parfaite et les couleurs de l’été japonais - qui précède l’hiver comme le fait remarquer doucement l’héroïne - n’ont jamais été restituées avec autant de grâce et de tendresse… Adjectifs qui peuvent s’appliquer également à Yôko Tsukasa qui tient le premier rôle à la place habituelle de la grande Hideko Takamine (étrangement absente pour ce dernier opus du maître) mais qui ne lui cède en rien sur le plan de la sensibilité et du talent. L’art de Naruse est à son sommet avec notamment une prévalence absolue de l’image, qui rend compte même de l’indicible sans nul besoin d’un recours supplémentaire à la parole, ce qui est pour moi la définition essentielle du cinéma. Un véritable bijou ainsi qu’une leçon de vie ultime donnée par le grand cinéaste japonais.