Poursuite de la découverte de ce cinéaste japonais Mikio Naruse avec un deuxième film "Nuages flottants".

À la fin de la critique du "Repas", je concluais sur la belle leçon sur la recherche du bonheur qu'il faut prendre dans ce que la vie nous offre. Dans "Nuages flottants", on est encore dans la même thématique, à savoir la recherche du bonheur, mais avec une grande différence. En effet, il n'est plus question de résignation mais au contraire de lutte pour aller chercher ce bonheur ou plutôt pour retrouver ce bonheur qu'on a perdu.

Le film commence en 1945, après la défaite. Le Japon rapatrie en catastrophe les nombreuses personnes installées dans les zones occupées d'Asie.

De retour à Tokyo, dans une atmosphère pesante et hivernale, Yukiko recherche son ancien collègue Tomioka avait qui elle avait vécu une passion torride en Indochine et qui lui avait promis le mariage.

Seulement, le contexte a bien changé et Tomioka n'a plus l'intention de quitter son épouse et demande à sa maîtresse d'oublier le passé. Comme Tomioka est une personne lâche et indécise, ils se retrouveront puis se perdront plusieurs fois. Lui, muré dans une posture sarcastique, désagréable, il n'hésite pas à tromper Yukiko avec l'épouse d'un ami … Elle, confiante dans son rêve de reconquête de cet homme, même si, pour survivre, elle est contrainte de suivre un GI puis une ancienne connaissance qui a fait fortune dans une secte…

De la même façon que "le repas" était le film de Michiyo, "Nuages flottants" est le film de Yukiko qu'on suit avec énormément d'empathie tout au long du film. Naruse nous invite dans cette analyse de la relation entre les hommes et les femmes où les premiers ne se gênent pas pour porter un jugement sur les femmes sans trop s'interroger sur leur propre comportement.

D'après ce que j'ai pu lire et entendre sur ce cinéma, Naruse met en scène des gens ordinaires à qui on peut facilement s'assimiler. Ici, c'est d'autant plus efficace qu'il n'y a aucun sentimentalisme dans ces personnages, au contraire, très réalistes. Et Yukiko n'est pas non plus un personnage à l'eau de rose et niais. Bien au contraire, elle n'a guère d'illusion sur la personnalité de son amant, ses lâchetés, ses mensonges. Elle lui exprime parfois d'ailleurs son dégoût. Oui, mais voilà, elle a vécu des moments merveilleux dans ce pays de rêve qu'était l'Indochine, loin de la guerre. Et retrouver ce rêve, c'est aussi surmonter cette affreuse et délétère ambiance de défaite.

Et je peux dire aussi, qu'elle a du mérite la petite Yukiko. Car entre la scène de la rencontre en Indochine où Tomioka ne cesse de la brocarder et les scènes à Tokyo où il la trompe presqu'ouvertement, il y a longtemps que j'aurais abandonné la partie, moi …

D'un point de vue mise en scène, j'aime bien la façon de filmer le couple marchant côte à côte. Ou encore la façon de faire des portraits fixes de l'actrice qui joue le rôle de Yukiko, le regard perdu dans le lointain et la façon qu'a l'actrice de rompre le charme en se tournant vers la caméra.

De même les flash-backs vers cette période indochinoise si heureuse et désormais révolue s'intègrent parfaitement dans la grisaille et les paysages de pluie du Japon comme des points d'ancrage de la mémoire pour se donner la force de continuer.

Au fait, le nom de l'actrice, c'est Hideko Takamine qui a eu une longue carrière et qui a joué plusieurs fois pour Naruse. Son personnage dans "Nuages flottants" est lucide, chargé d'émotion, volontaire et surtout attachant.

D'ailleurs, je ne ferai pas mieux pour conclure ce film bouleversant digne du cinéma de Douglas Sirk que citer Naruse dans la dernière image du film.

Courte est la vie des fleurs,

Infinies leurs douleurs


JeanG55
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le 15 juil. 2023

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