De nationalité belgo-guatémaltèque, César Diaz a d’abord suivi des études au Mexique puis en Belgique avant d’intégrer l’atelier scénario de la FEMIS à Paris. Après plusieurs expériences de monteur de fictions et de documentaires, César Diaz réalise Nuestras Madres, qui est récompensé de la Caméra d’Or (meilleur premier film toutes compétitions confondues) à Cannes en 2019. Initialement programmé en salle au mois d’avril, le film est directement sorti en VOD.
Nuestras Madres, courte fiction d’une heure et dix huit minutes qui porte tous les traits d’un documentaire, est un film épuré, fin et sans sentimentalisme dans sa manière d’aborder un passé toujours palpable dans la société qu’il stigmate. Ce passé lourd empêche la nouvelle génération à s’extraire de cette marque indélébile qu’est le drame de la guerre civile au Guatemala de 1960 à 1996. Au bar ou à la maison, les bouteilles d’alcool s’agglutinent sur les tables. Un collègue d’Ernesto lâche : "Dans ce pays de merde, tu vis soit fou, soit bourré."
Pour remédier à ce désastre et surtout à trouver une troisième voie alternative à celle de l’alcoolisme ou de la folie, Ernesto se lance dans une quête de réhabilitation des identités des disparus. Afin d’être en pleine capacité de faire le deuil de ces années trop lourdes à porter pour les jeunes générations comme pour celles survivantes aux massacres, l’anthropologue à la Fondation médico-légale se lance dans des actions de déterrages des fosses, d’identification des corps afin de les restituer aux familles qui demandent des indemnités compensatoires de l’Etat.
Sans affronter de manière brutale la haine et la violence des victimes directes et collatérales de cette guerre, le réalisateur montre des visages fanées de mères de famille qui ne baissent pas les yeux face à l’objectif. Ces dernières content leurs histoires à travers des souvenirs instables. Pourtant, il est difficile de déterminer sur ces visages impassibles mais érodés par l’usure et la fatigue, quelles sont véritablement leurs intentions entre la vengeance, la réhabilitation de leurs défunts et leur souhait d’obtenir des compensations étatiques parfois par de simples mensonges. Plutôt que d’emprunter le chemin tortueux de la vérification de la véracité des propos des familles des victimes et leurs véritables intentions, le réalisateur tente plutôt de concilier la grande histoire nationale à la petite, celle d’Ernesto qui se lance en même temps à la recherche des traces de son père, guérillero disparu aux combats.
Si la caméra ne tressaute pas, si les plans sont dignes et posés, le film pêche pourtant par son excès de sagesse et son côté prévisionnel. Malheureusement, jamais il n'embrasse la phrase qu'il fait sienne : "Dans ce pays de merde, tu vis soit fou, soit bourré."
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