Le troisième film de Neil LaBute tire à boulets rouges sur l'aliénation que peut engendrer une overdose de sitcoms. Dans le rôle d'une fan, Renée Zellweger est parfaite.
Une sitcom, ça peut être sympa, mais dangereux aussi. Dans «Nurse Betty» Renée Zellweger en fait la cruelle expérience en occultant la réalité pour se retrouver dans son feuilleton favori. Tout commence un soir, où Betty (Renée Zellweger) regarde le dernier épisode d'«Amour et passion» que la voisine lui a enregistrer pendant qu'elle travaillait dans le restaurant de sa petite ville du Texas. Confortablement installée à l'étage, elle est soudain dérangée par les cris de son mari provenant du rez de chaussée. Elle se penche légèrement et remarque que ce dernier est en train de se faire scalper par un duo de noirs constitué d'un homme mûr (Morgan Freeman) et d'un jeune surexcité (Chris Rock). Horrifiée, Betty retourne à sa sitcom qui a pour théâtre un grand hôpital californien. Le lendemain, elle règle les formalités d'usage concernant le décès de son mari et prend la route avec le couple de meurtrier à sa poursuite. Depuis ce tragique accident, Betty se prend pour une infirmière et file tout droit en Californie pour renouer avec son ex-fiancé, le Dr. David Ravell (Greg Kinear), personnage principal d'«Amour et passion». Mais sur place, elle rencontre George McCord le comédien qui interprète David Ravell. Rien n'y fait, Betty est persuadé qu'il est David Ravell. Trouvant cela amusant, McCord joue le jeu, car il est ébloui par la performance de Betty.
Neil LaBute et un cinéaste malin. Il utilise un personnage momentanément malade pour nous faire pénétrer dans l'univers factice de la télévision. Renée Zellweger nous sert de guide malgré elle. Fille à la bonté débordante, Betty devient folle et s'enferme dans un univers qu'elle a entièrement construit à partir d'une série TV dont elle raffole. Dès lors, elle déconnecte totalement de la réalité et Renée Zellweger lui prête son jeu à la fois, niais, innocent et convaincant. Il faut la voir se présenter à George McCord en étant persuadé d'avoir le Dr. David Ravell en face d'elle. Elle est prodigieuse. On dirait qu'elle fait exprès de jouer les nunuches pour s'attirer la sympathie du spectateur, mais elle tient son rôle à la lettre en jouant une folie douce et passagère. Et c'est ce qu'on appelle une performance. Côté scénario, «Nurse Betty» est un exemple à suivre de près. Tout ici fonctionne à merveille. Chaque situation s'imbrique l'une dans l'autre comme une série d'engrenages huilés à la perfection. Cette superbe machinerie n'a pas échappé au Jury du dernier Festival de Cannes qu'il lui a décerné un prix du Meilleur Scénario.