Cette version "Director's Cut" de Nymphomaniac s'avère, comme espéré, un monument d'ambition cinématographique et une sorte de testament intellectuel de l'homme que tous les critiques aiment tant haïr. Passons sur les scènes hard, remarquablement faites si l'on songe qu'il s'agit d'effets spéciaux, et ne servant qu'à illustrer de manière factuelle la "maladie" de l'héroïne (et pas du tout à exciter le chaland !). Intéressons-nous plutôt à ce que Von Trier nous montre, avec le brio formel qui lui est coutumier : une vision "psychologiquement" imparable et horriblement pessimiste (le final cruel donnant un ultime tour d'écrou) de l'humanité, opprimant la Femme et sa sexualité de toutes les manières possibles, vision tempérée par une célébration émouvante (incombant à un Skarsgaard bouleversant) de l'intelligence et de l'Art. Récit très littéraire de par la manière dont les mots précèdent, relativisent et suivent les images, Nymphomaniac nous parle aussi de la pêche à la mouche, des frênes, de la Suite de Fibonacci, de Bach et d'Edgar Poe... et d'une dizaine de sujets qui s'avèrent d'autant plus passionnants qu'ils ne sont que des leurres balancés par Von Trier pour voiler un temps notre épouvante face à ce que Joe nous narre. Si l'on ajoute que Von Trier, Houellebecquien en diable, chatouille notre bonne conscience en ayant un mot gentil pour les pédophiles, en expliquant qu'il faut bien appeler "nègres" les noirs, ou en réitérant ses affirmations sur le fait qu'il comprend Hitler, on peut comprendre que ce magnifique foutoir qu'est Nymphomaniac en ait effarouché plus d'un ! Monstrueux, "awesome!"... [Critique écrite en 2015]