Nuit noire, la pluie s'abat. Le solitaire Seligman découvre une femme inconsciente qui lui réclame une tasse de thé: il la ramène chez lui. Manque de chance, ce n'est pas Christina Ricci, et bien que l'inconsciente de Seligman soit aussi une nymphomane, aucun besoin de l'enchaîner au radiateur. Pire, par contre: la jeune femme, Joe de son prénom, est possédée par l'esprit de Père Castor, et la voici qui déblatère par le menu son inintéressante vie. La purge est lancée.

J'aime Lars Von Trier, j'aime les films qui montrent la sexualité, qui l'affrontent, j'avais même aimé Antichrist. Mais Nymphomaniac pèche dans son principe même: en véritable Pierre Murat de la sexualité, Seligman analyse tout, fait des rapprochements incongrus, compare le sexe aux poissons, à la musique de Bach. Certains y trouveront peut-être quelques révélations bénéfiques, mais le mal est fait: Nymphomniac est un film sur le sexe, mais qui refuse d'aborder le sexe comme sujet à part entière. Tout est matière à parallèle, et lorsque Seligman a la bouche pleine, c'est Joe qui inonde le spectateur du reflet sa morale humaine légèrement désuète, tandis que la mise en scène, au mieux relativement sage dans la représentation des actes, au pire complètement kitsch à force d'efforts branchés (en dépit d'une assez grande souplesse et d'une certaine audace formelle) ne produit que de maigres étincelles, d'une imagerie sexuelle affreusement frelatée au recyclage indélicat d'images cosmiques de Melancholia. La cerise sur le gâteau.

Embarrassant parfois, ringard souvent, chiant comme la pluie, pompeux et plein de mépris pour son sujet, ce premier volume de Nymphomaniac est un ratage absolu qui mériterait peut-être d'être revu à la lumière de sa seconde partie, quoi qu'à ce niveau de bêtise parfois crasse et d'archaïsme sexuel, il soit difficile d'améliorer quoi que ce soit: mais alors peut-être ne fallait-il pas le scinder, peut-être fallait-il plutôt jeter à la gueule du spectateur quatre heures de vent, et justifier l'échec par une pose arty et la caution "épreuve d'endurance". Parce que doubler un film raté d'un marketing bipartite de merde, il fallait quand même oser. Lars, ses producteurs et ses distributeurs l'ont fait.

(Une mention quand même à Uma Thurman, hilarante de désespoir et d'hystérie, qui transfigure d'abandon la prétention globale du film dans une parodie glauque de sitcom. Trois points pour elle seule, et ce qu'elle incarne de noirceur.)
ClémentRL
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le 1 janv. 2014

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