Lars Von Trier m'est un grand mystère. Ses propos à Cannes me paraissaient être un jeu de provocation maladroit. Résultant avec réussite à un buzz qui lui fût bénéfique tout de même. Cette deuxième partie de Nymphomaniac est la révélation pour moi que le cinéaste ne m'a jamais vraiment parlé dans les discours de ses films. J'admire l'artiste mais m'interroge sur l'homme. Ce qu'il raconte est dur, violent et abjecte. Si c'est sans mesure qu'il les livrent, c'est quelqu'un de dangereux. Dans le cas contraire, son second degré manque d’efficacité selon moi.
Le premier propos choc du film vient de la scène du "Sandwich". Le personnage de Charlotte Gainsbourg y tient des paroles racistes. L'utilisation du mot nègre est fébrilement dénoncée. Le contradicteur est même mangé par la réponse de Joe qui devient militante contre la dictature de la bien-pensance. On ne comprend d'ailleurs pas bien pourquoi, sinon être la porte parole de Lars Von Trier. Dénoncer la pensée unique c'est plus que louable. Le faire en remettant en question la signification du mot "nègre" ou en évoquant une éventuelle part d'humanité existante chez Hitler, c'est soit très maladroit ou extrêmement scandaleux.
Avec moins d'indignation mais tout autant d'indifférence, l'analyse faite sur le sexe me paraît surfaite. Je ne crois aucunement à la fatalité et la dépendance dans lesquelles le sexe est raconté dans Nymphomaniac. Si il est bien le fondement de la vie et qu'il peut aussi s’avérer être source d'ennuis, la sexualité est avant tout symbole de bonheur. Et il en ressort jamais de ce film. Le sujet est toujours traité avec plein de gravité. C'est un angle assumé et tout de même parfois sensé. En revanche l'analogie perpétuelle entre le sexe et des éléments plus ou moins futiles de la vie est super lourde et mal avisée. L'origine du monde certes, mais pas nécessairement son centre. La vision du sexe de Lars Von Trier est tissée comme une toile au milieu de laquelle il règne et autour du quel tout tourne. Idée bestiale qui ne reflète pas assez de sarcasme dans la manière de la dire. Ca en devient même affligeant sur la vision de l'amitié et de l'homme laissée par l'ultime scène. Et aberrant dans le discours pseudo féministe relevant une injustice face au regard de la dépendance féminine. L'idée y est, le traitement du propos non.
Pourtant, Lars Von Trier est un réalisateur hors-pair. J'ai beau avoir compris qu'il ne me passionne que très rarement dans ce qu'il raconte (exception pour Breaking the Waves et Dancer in the Dark) je ne m'ennuie presque jamais devant un de ses films. Et les deux parties de ce dernier regorgent de cette ambivalence. Le propos ne me parle pas mais à aucun moment je ne m'ennuie. Sa façon de mettre en scène est fascinante et captivante. Encore une fois la photographie est unique. Melancholia est selon moi sont tour de force le plus incroyable. Un des plus beaux films que j'ai pu voir et de loin l'apogée du talent de son auteur. Car au-delà de la qualité artistique évidente, la sobriété du scénario est une grande force. Comme quoi on peut faire quelque chose de fort sans aller chercher le choc dans les mots, ou les images.
Ça me plaît d'être bousculé, qu'on remue le conformisme. Mais lorsque le fond et la visée des dires ne sont pas clairvoyants on se doit d'être vigilant. Un artiste reste une personne, et l'art un moyen d’exprimer ses sentiments personnels. Les livres, spectacles ou films peuvent être dangereux dans leurs visées ou intentions.
J'admire le produit artistique brut qu'est Nymphomaniac dans sa qualité de mise en scène captivante mais reste perplexe et discordant avec son récit.
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le 16 févr. 2014

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Adam Kesher

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