Splendide.
Profondément splendide et profond (ouais, qu'est c'tu vas faire ?)
Réflexion ou simple mise en lumière de ce qui fait la vie des handicapés physiques lourds, des "inadaptés" en général mais pas seulement.
J'ai souvent pensé au fossé entre l'apparence, l’extérieur et le monde intérieur (pas seulement parce que je suis moche, puisque à l'instar de certains personnages publics je suis cumulard, je suis moche ET con), précisément à cause de la paralysie cérébrale, qui donne un air de déficient profond alors qu'il n'en est souvent rien, du simple fait d'une difficulté à communiquer, voir une absence quasi totale de communication.
Il en va de même pour les aphasiques ou des personnes avec un très fort accent (québecois, par exemple, ou sentant bon le terroir campagnard), mais également pour toutes les formes de handicap mental ou d'autisme en passant par la simple vieillesse.
On a tôt fait de reléguer les personnes non typiques à un rôle subalterne quand on ne les infantilise tout simplement pas complétement.
Ce film nous montre ce qu'il est plus confortable de taire, à savoir que tout être humain possède un monde intérieur, fait de peurs, de désirs, d'envies, de sentiments, d'émotions, de pensés, de souffrances et de joies.
On aurait tort de se cantonner au point de vue unique de la jeune fille handicapée pour soulever ces problématiques, le film, intelligemment et subtilement, en parle aussi au travers du personnage masculin principal, un brin simplet, sans défense face à ce monde qui rejette ce qui n'est pas "performant"; mais également au point de vue social puisque tout est ici affaire d'apparences et de niveau social, autant pour la famille du jeune homme que celle de la jeune femme, et même à l'échelle de la société tout entière, illustré notamment par les réactions des flics ou des commerçants.
Alors c'est cru, violent, pas manichéen pour un sou (le "héros" n'est pas vraiment exempt de toute perversion), injuste et parfois amoral, à l'image de la vie, en somme.
Et c'est fait de belle manière et avec une grande intelligence.
J'avais tendance à voir la Corée comme un pays centré autour des apparences et de la réussite; plus je vois des films coréens plus je m'aperçois que les choses sont probablement plus nuancées, comme toujours, au moins pour les personnes qui produisent de telles œuvres.
Je n'ai pas encore vu d'équivalent dans le cinéma français, sur cette thématique, même si je suis sur que cela pourrait donner quelque chose d'intéressant, mais en attendant on se tape "Intouchables", contre lequel je n'ai rien de particulier à part le fait qu'il soit à des années-lumières, en terme de qualité, pour moi (mais qui a au moins le mérite de traiter du handicap dans un film très commercial et donc très vu).
Un dernier point que je ne peux occulter, maintes fois évoqué par d'autres bien plus malins : l’interprétation magistrale de Moon So-ri dans le rôle titre, je pensais vraiment avoir affaire avec une vraie personne atteinte de paralysie cérébrale , je me suis même pris à penser que c'était très osé et franchement couillu (dans le bon sens du terme) d'avoir prit une véritable handicapée moteur pour l'incarner avant
d'avoir l'énorme surprise de la voir se mouvoir normalement, avec un petit temps de latence dans mon esprit tellement cela me paraissait incongru, la mise en scène me forçant à me poser la question "mais, attend... mais c'est la même fille là ?" et la réponse était oui
, ce qui renforce encore un peu plus l'identification du spectateur ainsi que le propos du film, je pense grâce à cet "artifice" scénaristique ou de mise en scène le film gagne énormément en percutant, en émotion, en réflexion, en crédibilité, bref... c'était essentiel même si sur le papier ça parait un peu gadget.
Le reste du casting ne démérite pas, même si la comparaison le dessert de facto.
Rentré dans mon top 20 au côté de "castaway on the moon", visionné juste avant, et j'enchaine sur "Invasion" de Kurosawa (on verra si c'est à la hauteur, EDIT : NON !).
Oui, c'était une sacrée nuit pour moi, mon cerveau et mes yeux.