Jenny Slate crève l'écran dans cette romcom moderne et acidulée où les dialogues imprègnent les personnages d'une répartie fine et cocasse.
Mais là où le stand-up devient l'exutoire de Donna et de ses péripéties, son humour scénique pèche cependant d'un trop-plein qui vient légèrement appauvrir le propos. Il souffre, en effet, d'une surenchère d'anecdotes scatologiques et vulgaires qui ne parviennent, ni à séduire totalement l'auditoire fictif (échecs puis réussite mitigée), ni celui de la salle de cinéma qui reste mi-figue, mi-raisin, dans l'attente de la suite du scénario. Le personnage de la mère est d'ailleurs là pour rappeler à Donna qu'elle gâche, selon elle, son avenir fait de grandes études, plutôt que rempli d'allégories sur la diarrhée dans tous ses états.
Les pépites du dialogues et du script brillent donc grâce aux duos : amoureux, amicaux et familiaux, interprétés par des comédiens efficaces et charismatiques.
Et c'est grâce à ces duos que nous découvrons cette jeune femme haute en couleurs, au gré des rencontres, au fil du film : de désagréable, taciturne et impatiente à la manière d'une enfant gâtée, souvent crue mais bien dans ses pompes, parfois maladroite et paumée, Donna se révèle attachante et de plus en plus affirmée.
Sous les traits de Jenny Slate, la réalisatrice dresse le portrait franc et paradoxal d'une jeune femme lumineuse et touchante.
Elle aborde également la question de l'avortement de manière frontale, face à une Amérique encore trop souvent conservatrice et culpabilisatrice. Sans revirement de situation à la "Juno", Gillian Robespierre met en scène des personnages qui, pour la première fois, ne remettent jamais en cause le choix de l'héroïne, sans jugement ni réprobation : elle trouve écoute, présence et soutien qui lui permettent de faire face à ses choix et d'en sortir grandie.
Grandir. Donna grandit. Elle est alors une femme parmi des millions qui, délibérément, choisit de continuer à se découvrir avant d'être mère, tout en ayant eu la liberté de se connaître au travers de la maternité, si elle l'avait voulu. Cette question du titre posant "l'évidence de l'enfant" (Obvious Child) se retourne donc sur la sienne propre, son parcours unique et sa maturité, qu'elle acquerra de la manière dont elle seule l'aura décidé.
Et s'il ne semble pas nécessaire (ou presque) en 2014, en Occident et en Europe, de venir rappeler cette importance d'être libre de ses choix vis-à-vis de son corps et de son avenir, lorsque cette piqûre de rappel est faite avec humour, talent et énergie, on se resservirait plutôt deux fois qu'une.
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