La tension du film tient dans son intention toujours reconduite, dans cet intérieur qui résiste à l'extérieur, ce désir qui tente de survivre au manque de tout, de lumière, d'argent, de prévisible, à la défection d'un figurant, puis du visage lui-même. Ce scénario rêvé et balloté, réécrit comme un journal de bord, devient comme la musique d'un film nomade. On y croise Berlanga sur le tournage du Bourreau puis à l'occasion d'une visite, une concierge, des amis qui ont aidé Hanoun sur ses films précédents et sur celui-ci, une place de Madrid qui est le décor de la fiction. Une fiction dont chaque détail peut faire l'objet d'une parenthèse documentée - par la force des choses ou par désir de filmer, de maintenir la tête du désir hors de l'eau et sans se faire brûler le soleil.
Hanoun explique tout ou presque, il en fait matière à émotion. Le premier plan est à ce titre remarquable : l'actrice se maquille, elle dit ce qu'elle fait, on entend le chef opérateur du son dire de parler plus fort, elle essaie de parler plus fort et elle doit annoncer ses actions; le chef opérateur donner le déroulement en pieds de la pellicule et Hanoun demander à sa "Carmen" de dire ce qu'elle va faire, ou de ne pas dire. Il faut tout dire, tout doit faire cinéma et quand cela fonctionne - quand la tension fait vivre les deux côtés de la caméra ensemble - alors, oui, tout est cinéma. Jean Eustache est au montage...