Le supplément nommé Le Monde de James Bond au journal Le Monde du 2 juillet 2006 titrait : Le Meilleur de Moore. Si c'est oublié L'Espion Qui m'Aimait que d'imprimer cela, il est vrai qu'Octopussy possède des atouts mémorables : ses acteurs, son scénario complexe, ses décors ou encore sa musique.
Sa première force est son scénario élaboré et complexe dans la suite du travail commencé sur Rien Que Pour vos Yeux par le duo Richard Maibaum et Michael G. Wilson qui récidivent ici avec la complicité de George MacDonald Fraser. Il contient une trame mêlant le thriller avec son début plutôt sombre en Allemagne de l'Est et de l'humour plus loin dans le film.
Il possède d'abord trois opposants qui sont liés par des intérêts divergents. Tout cela forme une intrigue avec plusieurs pièces qui se mettent en place au fur et à mesure. Car oui, il s'agit d'un puzzle et il faut rester concentrer tout au long de l'aventure pour comprendre le rôle de chacun des opposants de Bond qui ont une raison différente d'agir. C'est ce visage politique, dans tous les sens du terme, qui rend les personnages intéressants au-delà de leur intérêt propre. Et ils en ont. Honneur aux dames avec le personnage éponyme, une femme liée à Bond avant même le début de l'intrigue. Les scénaristes ont eu la grâce d'utiliser au mieux la courte nouvelle de Fleming pour l'intégrer au film. Le personnage est une femme forte qui a sa propre armée composée uniquement de… dames ! Comme une réponse aux détracteurs de Bond qui le trouveraient trop sexiste. Ici, l'inverse se produit et lui-même semble s'étonner de cette ''discrimination''. Maud Adams, seule actrice à interpréter deux rôles distincts dans deux films de la série, porte le rôle avec aisance et une belle présence. Cette critique ne discriminant pas, elle, qu'en est-il des hommes ? Pour commencer, on nous présente un cliché, un général russe belliqueux qui ne souhaite pas collaborer avec l'OTAN. Subtilement, on nous fait une fois de plus croire qu'un russe va être l'ennemi. Comme cela est le cas dans la réalité, il est plutôt une gêne pour ses propres collègues. Steve Berkoff livre une prestation presque outrancière mais qui est à propos. Enfin, le meilleur pour la fin : Louis Jourdan, acteur français capable de jouer et de chanter (pas dans ce film évidemment) en anglais, joue Kamal Khan. Il est l'un des ennemis de Bond le plus suave, le plus désinvolte et sûr de lui. Un miroir déformé de Bond, car sa lâcheté, même devant les femmes, est désarmante. Son homme de main rend hommage à Oddjob en réduisant en poussière des dés comme Oddjob l'avait fait avec une balle de golf.
De plus, cette histoire montre que, comme le disait Fleming, James Bond se trouve d'un côté, mais pourrait être aussi bien de l'autre, lors de la scène de répulsion/séduction entre Octopussy et lui. Dans celle-ci, il admet qu'effectivement elle et lui sont deux personnes d'une même espèce, une espèce à part ("two of a kind").
Ensuite, un autre grand atout du film est ses décors, exotiques, souvent filmés en plans larges, qui nous permettent de profiter de la beauté des paysages, notamment indiens. Le montage participé aussi à la fête en prenant le temps d'assembler les pièces du puzzle.
Et puis la musique fascinante est à l'image des paysages : belle, lancinante, tantôt langoureuse, tantôt circulaire et obsédante. John Barry compose une partition qui colle parfaitement au déroulement de l'aventure
Au rang des défauts, Moore est peut-être déjà un peu trop vieux, mais il tient bon la barre tout de même. La force du scénario, très ancré dans la réalité et à la fois misant sur des relations complexes entre les opposants de Bond, occulte aussi partiellement l'héritage ésotérique (voire occulte… justement) de Fleming. Si ce n'était pas un James Bond, ce serait moins dérangeant et à la vue de la qualité de l'ensemble, on ne peut pas trop en tenir rigueur à la production. Pourtant, la pieuvre tatouée sur les femmes de main d'Octopussy fait penser à celle du SPECTRE…
Quelques gags également en trop, assez étranges, comme Bond jouant à Tarzan par exemple.
En revanche, le fait que Roger Moore s'habille en clown pour se cacher de ses adversaires a souvent été critiqué, toutefois il s'agit d'une habile mise en abyme de ses propres vicissitudes et au bout du compte, de la conscience qu'il a de son propre style de 007, souvent accusé d'être … un clown. C'est une des idées les plus sous-estimées du film et même de l'histoire de la franchise. Néanmoins, elle donne l'impression que la production elle-même fait amende honorable, consciente de ses égarements, mais fière de son acteur et semble nous montrer que Bond sauve de toute façon la situation et reste le meilleur, humour ou non, maquillage ou non.
N'oublions pas aussi les femmes sublimes d'Octopussy, un Q en forme sur le terrain, un bras d'honneur de 007 à de jeunes allemands arrogants et une fin épique. Au fond, peut-être s'agit-il effectivement du meilleur de Moore.