- Délivrance, Les Chiens de Paille, La Dernière Maison sur la Gauche ou Massacre à la Tronçonneuse ont repoussé les limites de la représentation de la violence à l'écran. Que reste-t-il donc aux autres, à ceux qui ont envie de s'engouffrer dans la brèche ?
Meir Zarchi est de ceux-là. Il a ce petit fait divers qui lui trotte dans la tête. Cette jeune fille dénudée retrouvée titubante en pleine rue après être passée dans les mains d'une bande de maniaques. Les années 70 tirent vers leur fin. Le parfum de libération culturelle, sociétale et sexuelle s'estompe.
Meir décide donc d'inscrire son film du côté d'une certaine idée du féminisme revendicatif. Il délocalise tout d'abord la réalité pour la monter en forme de lutte des classes, la campagne redneck prenant sa revanche sur la ville innocente, bohème, cultivée et ingénue. Rien de neuf, puisque Délivrance était déjà passé par là.
La violence déployée, burnée, frontale, n'apporte elle même pas grand chose de plus à ce qui a pu être mis en scène dans La Dernière Maison sur la Gauche. Mais la multiplication et la brutalité des sévices a de quoi prendre à la gorge, tant elle s'avère sauvage et abjecte quant au mobile avancé par les agresseurs.
La punition sera donc à la mesure de l'outrage, prenant pour décor une nature apaisée et majestueuse, comme si I Spit on Your Grave relevait d'une certaine forme de rêve comme pour adoucir l'extrême cruauté déployée. En témoigne la résurrection de Jennifer, dont le visage est bien vite dénué de toute tuméfaction consécutive à son calvaire. Ou encore le premier acte de sa vengeance, celle où elle prend pleinement conscience de son pouvoir d'attraction et de la renvoyer consciemment afin de prendre ses bourreaux au piège. Dépeinte comme une vestale, offerte, elle entraîne par le fond sa première victime comme le ferait une sirène.
Mais Jennifer s'attaque finalement non pas seulement à des monstres, mais aussi à des hommes plus ou moins intégrés socialement, à l'image de Johnny, alors qu'il est seulement mu par ses bas instincts et ses raisonnements misogynes qui seront à l'origine de sa perte.
Certaines longueurs affectent le film, certes. Les esprits chagrins dénonceront certaines incohérences. Les plus féministes hurleront à l'avilissement. Ce serait oublier que I Spit on Your Grave relevait au départ d'une production en marge un peu plus maligne que la moyenne en ne se cantonnant pas uniquement à l'exploitation complaisante d'une violence dérangeante objétisant sa victime. Son cri féministe, assez singulier, certes, se pose aussi comme une véritable libération du joug patriarcal en mettant en scène une jeune fille qui devient femme par la force des choses et de la cruauté déployée qui la souillera à jamais.
Jennifer prend en effet des décisions fortes et sans retour que Zarchi traduit à l'écran autant comme une vengeance tranquille et assurée que comme une idée de la résurrection par le sang en retournant contre ses agresseurs leurs propres instincts sauvages. En tirant tout le bénéfice de son pouvoir de séduction dont elle n'avait aucune conscience jusqu'ici. Jennifer tue de ses propres mains, sans concessions. La victime devient à son tour un bourreau condamnable. Mais Jennifer suscite malgré tout compréhension et empathie. Parce que nous l'avons vu évoluer et changer tout au long d'une heure et demi de drame psychologique d'horreur qui vaut bien mieux que ce que les habituels Cassandre bien pensants en dénoncent d'horreur barbare et misogyne.
Behind_the_Mask, en pleine journée de la femme.