Office par limma

Won-Chan Hong dont c’est ici le premier essai, dénonce les conditions de vie des salariés au sein des grandes entreprises. Co-scénariste de The Chaser, un film assez sobre, hormis la scène d'introduction qui ne dément pas de son origine. Le thème traité, la façon de filmer avec un spectaculaire tout relatif, se rapprocherait plutôt du film "The Terror Live", et de la critique acerbe de la société du travail.

Un homme, ayant massacré toute sa famille est porté disparu. Il semble n'être jamais parti des locaux de son entreprise où des événements meurtriers se succèdent sans aucune preuve de sa présence.
Quelques scènes sanglantes dans un genre huis-clos. Servi par la photographie sombre des scènes se déroulant souvent la nuit, renforcé par les bureaux vides, les éclairages aux néons blafards, les décors aseptisés, et les horaires interminables. Les guerres de promotion, la deshumanisation des rapports sous les traits de l'actrice Ko A-Sung, ("The Host") nouvelle stagiaire quelque peu effacée, qui devra lutter au sein d'un "open space" bien peu engageant et solidaire. Chacun est martyrisé et martyrise à son tour. Un cercle vicieux dénonçant la course à la réussite et la vie par le travail, ou comment devenir meurtrier par l'isolement.

On croise le thriller, par le personnage du policier chargé de l'enquête, (l'acteur remarqué de "New World", Park Sung-Woong), comme élément loin d'être perturbateur, qui navigue dans l'incertitude et l'incompétence...et le surnaturel qui peut laisser perplexe, par une sorte de seconde lecture fantomatique. Il faudra donc plonger sans trop se poser de questions sur quelques résolutions (non résolues). Une belle bande son lancinante pour quelques scènes gentiment horrifiques. Un clin d'oeil à la hiérarchie corrompue des forces de police (réflexion de plus en plus mise en avant dans le cinéma sud-coréen), complète l'ensemble.

Un film à voir pour ce sujet si rarement traité. Depuis 2012, le Centre culturel coréen de Bruxelles organise le Korean Film Festival, qui permet de faire connaître du grand public cette industrie du cinéma qui propose bien souvent de jolies pépites, si tant est que l'on apprécie le côté "franc" et souvent sans concession des Sud-Coréens.

Une première scène nous montrant notre stagiaire essayant de s'extirper d'un métro bondé, renvoie à la crise du logement et aux bas salaires ne permettant pas d'habiter à proximité de son travail en ville, avec la métaphore de l'étouffement et de la difficulté pour les travailleurs de tout acabit, de se "sortir du lot".
Malgré une très forte amélioration de la qualité de vie, la Corée du Sud reste un pays où la vie professionnelle reste encore très difficile. Pour information, les horaires en Corée sont de 41à44h environ. Mais dans la pratique, il en est tout autre. Entre participer à la vie de son entreprise (soirées notamment), les heures supplémentaires sans qu’elles soient payées les jours de congés raccourcis pour montrer son investissement à l’entreprise, on arrive plutôt à 70h ou plus par semaine pour un simple salarié. Et le film retranscrit parfaitement cet état de fait.

Comme le dit le metteur en scène : "c’est un système social dans lequel le travail est la survie... et le licenciement est la mort".