Cinéaste et producteur de renom, Johnnie To est un formaliste curieux et éclectique. Des déjantés Heroic Trio et Executionners aux sobres à l'excès The Misson et Exilés, il s'est montré capable de tout. Parfois ça donne des polars ratés ( Breaking News ) parfois des chef d'œuvres du polar ( Mad Detective ) et il y a une raison à cela : Durant des années, To finançait ses projets personnels de petits polars sur les recettes de grosses comédies sans valeur. Il tournait trente films par seconde et ne faisait pas le tri : c'était à nous, pauvres mortels, de le faire.
Hé bien cette époque est révolue. S'étant fait un nom à l'international, Johnnie a plus ou moins arrêté de se prendre la tête avec ces impératifs financiers. Et c'est une bonne nouvelle, parce que dorénavant, quand il fait une comédie, on n'est plus obligé de jauger si ce sera un truc commercial à la con ou un vrai projet d'auteur !
Office est une comédie musicale faite de romances incongrues dans le milieu de la haute-finance sur fond de crise des subprimes. Chaque personnage y va de son petit secret, de sa fêlure indicible, de ses petites magouilles et de ses grosses prises de risques. En chantant. Dans des décors tout en baies vitrées et en profondeur, magnifiant une 3D impeccable.
Il y a un côté Playtime de Jacques Tati, à ce monde oppressant d'ouverture sur l'infini. Ces horloges géantes au design mégalomane, ces hôpitaux où tout porte à croire que les voisins vous regardent, Ce métro à toit ouvert qui donne direct sur l'esplanade du boulot où jamais le soleil ne brille vraiment... Et pourtant tout le monde chante, tout le monde se plait à boursicoter et à entrer en bourse le cœur vaillant.
De cette dichotomie nait la brillance du film. Johnnie To ne cherche pas à fustiger où à décrypter, comme c'était le cas de The Big Short mais au contraire à s'amuser des amourettes échevelées et des terribles secrets de famille. Il injecte de la légèreté insensée au drame qui attend les divers participants.
Ce petit jeu de massacre confortable n'a qu'un défaut : celui de ne pas toujours être clair. Arrive un moment où, n'ayant pas accès à la nature ou à la chronologie des magouilles, on se perd dans la narration et on est forcé de s'adonner à des speculations aussi peu fiables que celles des protagonistes...
Mais c'est un petit bémol à payer, sur une partition autrement irréprochable.