Présenté en avant-première mondiale lors de la première édition du festival du Super 8 organisé par la revue Mad Movies à Paris en 1983, le film Ogroff jouit depuis cette date d'un culte, certes modeste, mais non démenti. Auréolé du titre de premier slasher français, cet OFNI, dans le paysage hexagonal, est l'œuvre de N. G. Mount, alias Norbert Moutier, créateur de Monster Bis, ou l'un des fanzines les plus connus de l'époque au côté du Ciné Zine Zone de Pierre Charles. Rêve insensé d'un amateur de cinéma bis décidé à tourner un long métrage d'horreur en Super 8, nanar gore invraisemblable réalisé avec une économie de moyens frôlant l'indécence, témoignage d'une époque révolue, Ogroff est tout à la fois, et bien plus encore. Diffusé par la suite dans les années 80 en VHS sous le titre Mad Mutilator, le film a été édité depuis en DVD par Artus Films dans une version collector trentième anniversaire. Culte.
Malheur à l'imprudent qui viendrait perturber la quiétude du résident et seigneur de la forêt Orléanaise : Ogroff. Pour ce bûcheron masqué, la Seconde Guerre mondiale n'est pas encore terminée. Nul peut échapper à sa folie meurtrière : homme, femme, enfant, pour chacune de ses victimes, la même sentence, mutilation, démembrement, puis la mort.
1982, Norbert Moutier souhaite réaliser un film d'horreur de type slasher, premier du genre en France. Sans argent, celui-ci se tourne naturellement vers le format Super 8. En dépit des nombreuses limites qu'offre cette technologie, les prises se feront sans piste audio, ce format peu onéreux et pratique est tout indiqué. Pour le casting, la boutique de Jean-Pierre Putters, Movies 2000, va lui offrir quant à lui pléthore de figurants. Point de ralliement et plaque tournante des fans de cinéma bis et fanzineux de l'époque, le magasin compte parmi sa clientèle la communauté bisseuse parisienne : Jean-Claude Guenet, éditeur du fanzine Scream, François Cognard, éditeur du fanzine Rouge profond, Bruno Terrier, éditeur de Dans l’abîme du fanzinat, Alain Petit, éditeur du Masque de la méduse, Pierre Patin, éditeur du fanzine Zombi-Zine, Christophe Lemaire, futur journaliste à Starfix. Cerise sur le gâteau, Norbert Moutier convainc l'horrible docteur Orloff en personne, Howard Vernon, de participer au tournage de cette aventure bis dans le rôle d'un prêtre vampire.
Filmé les week-ends en forêt Orléanaise, en fonction des disponibilités de chacun, le tournage d'Ogroff se distingue autant par la pauvreté des moyens et que par l'ambiance potache qui y règne, les figurants bisseux donnant le meilleur d'eux-mêmes, le tout sous la direction très premier degré de son metteur en scène. Avec ses effets spéciaux artisanaux, faits de bric et de broc, de gouache et de bidoche, le film profite également des premiers pas du talentueux maquilleur Benoit Lestang, venu prêté mains fortes en ajoutant une couche supplémentaire de papier-toilette et latex pour le reste de ces effets somme tout assez spécieux, dixit Jean-Pierre Putters en double qualité de victime et chef des zombies. Quant au fond, tout l'abécédaire du film d'horreur gore est convié : meurtres violents, (longues) poursuites dans les bois, cannibalisme, et morts-vivants en sus pour les retardataires. Miam.
Montée à la volée, avec ses bruitages et ses (maigres) dialogues (quasi inaudibles) ajoutés en post-production, Ogroff conjugue aussi bien le système D que le portnawak puissance 10. Inventeur d'une nouvelle façon de mixer, Moutier flirte avec l'avant-gardisme avec sa musique qui s'arrête net pour laisser passer quelques lignes de dialogues marmonnés (dont l'inoubliable "Lae-ti-tia, on va partir sans toi"), avant de reprendre les mélopées signées du dénommé Jean Richard. Unique.
Série Z nourrie au slasher (Vendredi 13 et consorts), Ogroff multiplie, on l'aura vite compris, les influences, jusqu'à verser dans l'invraisemblable. Passé une première partie où le scénario conte le quotidien de notre ogre des bois, composé de massacres et tortures de promeneurs et autres fauteurs de trouble, dont un mémorable combat épique entre le bûcheron armé de sa hache et d'un homme munis d'une tronçonneuse (Alain Petit dans une veste à carreaux du plus bel effet), le récit glisse vers l'improbable histoire d'amour entre notre serial killer forestier et la parente d'une des victimes d'Ogroff ; une héroïne kidnappée (interprétée par Françoise Deniel dont il s'agit du seul et unique rôle) en plein syndrome de Stockholm, encore sous l'émotion de sa nuit d'amour avec son amant masqué (on le serait à moins), qui va libérer par mégarde une horde de zombies allemands, précédemment emprisonnés dans le sous-sol de la cabane du seigneur des lieux. Quand Jason Voorhees et Leatherface croisent le chemin de La nuit des morts-vivants. Imparable.
Malgré l'amateurisme de la production (avec les problèmes de sous et surexposition on ne sait plus très bien s'il fait jour ou nuit durant la même séquence) et un nombre de situations toutes plus grotesques les unes que les autres (au hasard la destruction de la 2 CV), Ogroff dégage toutefois, entre deux fous rires, un réel parfum malsain. Du meurtre de la petite fille en ouverture, à la scène d'onanisme entre Ogroff et sa hache, Moutier paye son tribut à Tobe Hooper, l'aspect faits divers de province et les liens avec l'Occupation alimentant encore un peu plus l'ambiance poisseuse désirée par son réalisateur.
Avec un budget d'environ 15 000 francs, Norbert Moutier aura finalement réalisé son rêve. Un film, certes bourrés de défauts (doit-on finalement les énumérer ?), mais également attachant, et qui signe les débuts d'une carrière cinématographique jusqu'au-boutiste animée par la passion bis de ce singulier réalisateur/ producteur/scénariste.
CULTE !!
http://www.therockyhorrorcriticshow.com/2016/09/ogroff-ng-mount-1983.html