J'avais été charmé par le vent de fraîcheur qui se dégageait du premier volet, le second était plaisant sans plus, je craignais le troisième ne voulant pas quitter nos héroïnes sur une déception. Or, celui-ci est probablement le meilleur de la série, tout est pratiquement réussi.
Tout d'abord, soulignons le scénario très juste d'Hiroshi Saitô qui avait signé notamment celui des deux premiers opus. Il a su tirer parti de cet âge entre-deux (fin du secondaire et pas encore pleinement adulte : 20 ans au Japon en 1984) où on "grandit" pour savoir quoi faire de sa vie. Les interactions avec les lycéens sont remarquables. L'opposition des deux copines est à la fois simple et d'une rare pertinence, y compris dans leurs contradictions. Grandir en perdant une partie d'une âme tout en rêvant un avenir un peu rétréci ou garder sa jeunesse, folie et frivolité comprises le plus longtemps possible. Une autre idée remarquable est d'avoir plongé Naomi et Miwako dans un monde du travail "normal", celui des secrétaires, des petits mains si sérieuses et à peine respectées par leurs cadres masculins moins caricaturaux qu'à l'ordinaire mais fort peu "aimables". Enfin et surtout, le scénario a gardé l'essence de la trilogie : l'amour entre femmes, par les dialogues menées par une Miwako qui assume son amour avec une conviction bluffante, par des éléments de décors : ces lys comme autant d'allusions (Yuri en japonais), et par ce final particulièrement réjouissant à sortie de l'église. Certes, nos filles (surtout Naomi) sont aussi bi, mais finalement, seul, le pur amour compte entre deux êtres humains, peu importe le sexe des amoureux. Le propos et un tel traitement est encore rare en 1984. Un autre point fort est sa réalisation de Shûsuke Kaneko. C'était son deuxième film après Koichiro Uno’s Wet and Swinging avec déjà Natsuko Yamamoto. Il a su reprendre le flambeau de la série initiée par Hiroyuki Nasu en la respectant, en la transcendant. Techniquement, c'était irréprochable avec une maîtrise de la nuit, un montage parfait, des cadrages impressionnants. Il offre le final qu'on n'osait espéré. On passera juste sur le téléphone portable modèle 1980, balancé rageusement. A l'aulne de ce film, je suis curieux de voir sa dernière réalisation en 2022 : Yuri no Amaoto. Enfin et bien sûr, Kaoru Oda et Natsuko Yamamoto sont subjuguantes, pas seulement par leur beauté, mais surtout pour ce mélange de naturel, de force et de détermination. Elles irradient le film de cet amour, tous les autres y compris Yuki (Saeko Kuga) la maîtresse de Masaki, semblent palots. Si Naomi apparaît l'aînée, elle montre vite ses fragilités devant la détermination d'une Miwako fière et enivrante. Rien que pour leur performance, le film mérite amplement le détour. Mais, je les retrouverai, hélas séparément dans d'autres films. Bref, on est en 1984, la Nikkatsu dans le Roman Porno arrive encore à produire de "purs" bijoux. J'espère qu'un éditeur francophone s'emparera de cette trilogie.