Grand Prix au festival de Cannes en 2004 (à défaut d'avoir obtenu la Palme d'or comme l'aurait visiblement souhaité le président Quentin Tarantino), Old Boy est le second volet de la trilogie de la vengeance imaginée par le cinéaste Park Chan-Wook, un an après le tétanisant Sympathy for Mister Vengeance.
Peu amateur de manga à l'origine, le réalisateur acceptera pourtant la proposition du producteur Kim Dong-Joo de porter à l'écran l'oeuvre du duo Tsuchiya Garon / Minegishi Nobuaki, sur les conseils de son ami Bong Joon-Ho. Conservant principalement la trame de base, Park Chan-Wook va se réapproprier totalement le matériau d'origine, y incluant ses obsessions et son goût pour la littérature européenne, transformant Old Boy en relecture du Comte de Monte-Cristo saupoudrée d'un soupçon de Portrait de Dorian Gray.
Là où Sympathy for Mister Vengeance était un long-métrage glacial, presque austère dans son illustration d'un voyage au bout de l'enfer, Old Boy a, au contraire, tout du film opératique, volontairement excessif à tous points de vue. Se sentant comme emprisonné aux côtés d'un anti-héros campé avec puissance par un Choi Min-Sik tout simplement prodigieux, le spectateur va plonger dans une spirale de violence, dans un tourbillon de noirceur qui risque fortement de le rincer à la fin de la projection.
En totale adéquation avec un récit parfaitement rythmé, aussi tortueux que palpitant, la mise en scène de Park Chan-Wook s'avère tout du long impressionnante, percutante, donnant naissance à une poignée de séquence immédiatement cultes, le tout renforcé par une bande son remarquable supervisée par Cho Young-Wuk. A une ultra-violence apte à vous faire plus d'une fois détourner le regard et à une tension permanente, vient heureusement s'ajouter une touche de poésie et de mélancolie à fleur de peau, achevant de faire de Old Boy une bouleversante tragédie d'un romantisme fou et ambigu.
Interrogeant constamment notre morale et ne nous ménageant à aucun moment tout en nous en mettant plein les mirettes, Old Boy est une bombe à défragmentation, un chef-d'oeuvre de noirceur franchement inconfortable, un des meilleurs représentants d'un cinéma capable de rassembler nombre de spectateurs tout en faisant preuve d'une grande exigence.