La réussite n'a pas toujours souris à Park Chan-Wook qui lors de la sortie de son 1er long métrage « Moon is the Dream of the Sun » en 1992 essuie un échec cuisant au box office ce qui le contraint à mettre en suspens sa carrière. Il passe alors de l'autre côté, celui du spectateur en devenant critique de cinéma. Il publie alors un essai (Discreet Charm of Watching Film - 1994), écrit des articles pour des magazines et participe à de nombreuses emissions consacrées au cinéma à la télévision et à la radio. Ce n'est qu'en 1997 qu'il a de nouveau l'occasion de réaliser un long métrage. Avec l'aide de son ami Lee Moo-young avec lequel il écrira régulièrement les scénarii par la suite, il écrit et réalise The Trio (aka Threesome) racontant l'histoire de trois amis en cavale. Mais ce film qui tend plus vers la comédie que son précédent ne remporte pas non plus le succès escompté. Park Chan-Wook va alors se mettre à écrire plusieurs scénarii dont The Anarchists ainsi que The Humanist réalisé par son ami et collaborateur Lee Moo-young.
Un scénario lui tient particulièrement à cœur, il s'agit de « Vengeance is mine » mais la noirceur et la violence de ce dernier fait peur aux producteurs qui refusent de financer ce projet. La suite on la connait, Myung Films lui propose le scénario de J.S.A qu'il accepte avant d'y effectuer quelques retouches telles que l'ajout du personnage de Sophie Jang, la femme qui enquête sur le drame. J.S.A est un succès retentissant à tout niveau et Park Chan Wook qui a désormais les mains libres met enfin en scène son scénario qu'il a traîné depuis 7 ans pour réaliser le très controversé Sympathy for Mr Vengeance qui est le 1er volet d'une trilogie ayant pour thème la vengeance.
Basé sur le manga du même nom de Tsuchiya Garon, Old Boy est donc le cinquième long métrage de Park Chan Wook et le second film de cette trilogie. Pour interpréter le personnage principal sur lequel tout le film repose, le réalisateur a choisi Choi Min Sik, acteur que l'on a pu remarquer pour son rôle de soldat nord coréen dans Shiri ainsi que pour sa magnifique interprétation dans le film Ivre de femmes et de peinture. Par où commencer ? il est difficile de parler de Old Boy sans trop en dévoiler car c'est avant tout un thriller qui à la manière de The Game de David Fincher nous entraîne dans un jeu diabolique.
Ce jeu diabolique c'est Oh Daesu qui en est la victime, un soir après avoir un peu trop bu, il se fait enlever et enfermer dans une chambre où il passera quinze années de sa vie. Quand finalement on le laisse sortir Oh Daesu n'a plus que deux idées en tête : trouver celui qui est à l'origine de son emprisonnement pour en connaître les raisons et puis bien sur se venger. Car le personnage de Oh Daesu est désormais conditionné par la vengeance, durant toute son incarcération il n'a cessé de nourrir un sentiment de haine envers ses ravisseurs en se préparant physiquement et mentalement pour les représailles.
Mais ce Old Boy est une vraie claque que l'on reçoit en pleine figure. La réalisation est vraiment très soignée et Park Chan Wook nous offre des plans de toute beauté dont un long travelling en plan séquence fabuleux où Choi Min Sik armé d'un marteau affronte une horde d'hommes munis d'armes en tout genre dans un couloir, plan qui renforce encore plus le sentiment de solitude du personnage. Quant à cette violence qui est beaucoup décriée même si elle est très graphique, on est tout de même très loin des films de Miike comme Ichi the killer. Contrairement à Miike, Park Chan Wook ne montre pas tout, laissant faire notre imagination il utilise le contre champ associé aux bruitages, la comparaison avec Ichi vaut d'autant plus qu'il y a une scène similaire nous permettant confronter le traitement des deux réalisateur. Un travail minutieux a également été effectué sur tout ce qui est ombres et lumières ainsi que sur les couleurs par le biais des décors.
Le scénario est également bien trouvé et les intrigues multiples réussissent à tenir le spectateur en haleine tout au long du métrage, sans oublier le final dont on se souviendra longtemps après la vision du film, riche en surprises et en émotion qui nous assomme et nous scotche littéralement à l'écran. Une autre qualité indéniable du film, c'est son score composé majoritairement de musique classique collant parfaitement avec l'ambiance et qui est utilisé pour contrebalancer les scènes de brutalité par sa douceur et légèreté. Ce qui fait que les airs au piano ou violon marchent aussi bien sur les scènes dramatique que violente.
Mais la grosse réussite du film se doit également en grande partie à l'acteur principal Cho Min Sik qui délivre là une énorme performance. Car tout le film est porté vers lui, il transmet au film l'immense énergie dont il fait preuve. Ce côté « sur-joué » (non négatif) peux désorienter et agacer les non initiés car c'est une chose que l'on retrouve beaucoup plus dans le cinéma asiatique que dans le cinéma occidental. Que ce soit dans les expressions du corps et du visage que dans la manière de parler, il y a cette exagération démonstrative qui suivant la manière dont on la prend peut soit accentuer les émotions soit les rendre totalement grotesques. Tout dépend bien sur de la manière dont c'est joué, il ne faut pas non plus dépasser « la limite » et Cho Min Sik je trouve réussi parfaitement à donner vie à son personnage en restant justement dans cette limite, quitte parfois à la frôler.
Vous l'avez compris, Old Boy est très bien réalisé et interprété, bénéficie d'un scénario original et prenant, successivement jouissif, violent, touchant et à la limite de l'excès. Le film mérite bien son prix reçu à Cannes.