Vol Oh Dae-Su d'un nid de coucou
Existe-t-il plus belle façon de fêter ma centième critique, qu'en rendant hommage à ce film qui me hante ?
FLY ME TO THE (BAN KI-)MOON
Il arrive parfois dans la vie d'un spectateur, que ce dernier s'emballe de manière invraisemblable, démesurée diront certains, pour une oeuvre qui les aura à jamais chamboulé. Une succession d'images, de sons, qui le marquent à jamais. Evoquer cette sensation, et la partager avec ses semblables en parvenant à occulter toute fébrilité devient alors mission impossible. Mais rassurez-vous, cette critique ne s'autodétruira pas dans 5 secondes.
MIN-SIK, ACTEUR DE PREMIER CHOI
Tout commence alors qu'Oh Dae est saoûl dans un commissariat. Le "Min-Sik show" démarre en trombe, l'acteur nous gratifiant d'un festival de mimiques et d'une gestuelle savoureuse. Je trouve ce départ à la fois touchant et tordant. Après cette légèreté, vient l'enlèvement. Puis la captivité, 15 ans durant. Avec une télé pour seule compagnie, dans une chambre miteuse. Ca vous change un homme. Puis de nouveau la liberté, avec ce monde qui a évolué, et un Oh Dae-Su plus transformé encore.
Choi Min-Sik crève l'écran, et le reste de la distribution arrive tout de même à exister face à ce monstre, dans tous les sens du terme. Il faut saluer le sans-faute à ce niveau là. Yu Ji-Tae, Kang Hye-Jeong, Kim Byeong-Ok et les autres ne déméritent pas !
THE SQUIDS AREN'T ALRIGHT
C'est là que commence la quête de vérité, une quête de vengeance. Au fil de l'histoire, le narrateur nous parle lui-même de sa captivité, puis de sa redécouverte du monde. C'est fait simplement, et avec un ton décalé et ironique bien souvent. Je ne peux compter le nombre de répliques que j'ai envie d'imprimer en grand et d'encadrer, tellement Old Boy regorge de ces perles. "Si un jour de pluie, vous rencontrez devant une cabine téléphonique un homme qui se couvre le visage avec un parapluie violet, je voudrais vous conseiller d'apprendre à aimer la télévision.".
La quête d'Oh Dae-Su se poursuit donc dans ce monde qu'il redécouvre, mais à vrai dire, notre héros peut-il se reconstruire ? Cette question, le spectateur, s'il est dans mon cas, se la posera un bon moment. Jusqu'à ce final à rebondissements, fait de twists improbables, et de révélations à jamais gravées dans ma mémoire.
Parfois, on a le sentiment en découvrant un film, une série, ou autre, que tout est à sa place. Les acteurs, la mise en scène, la musique. C'est rare. Mais lorsque cela se produit, le dosage des ingrédients idéal, l'alchimie parfaite, les sensations éprouvées sont uniques, le spectateur envoûté se laissant porter par un staff en état de grâce, conscient d'être au centre de quelque chose qui les dépasse. La dernière fois que j'ai ressenti cela, c'était devant "Battlestar Galactica". Tout semblait alors plus vrai que nature, authentique, malgré l'aspect résolument SF de la série. Et voilà que je me retrouvais au poste de commande du Battlestar, sur Caprica, ou même dans un Viper, aux côtés de Husker et Starbuck.
CUISINE AU WOOK
Old Boy c'est un peu de cela: je n'y ai vu aucune scène superflue. Chaque séquence dégage quelque chose. Chacune d'entre elle provoque encore un sourire, une larme chez moi. Même après avoir vu 4 fois le film.
"Ris, tout le monde rira avec toi. Pleure, tu seras le seul à pleurer". Si seulement je pouvais rire et pleurer devant ce film avec mon entourage. Mais Old Boy n'est pas à mettre entre toutes les mains. Sous son esthétique léchée, des thèmes lourds, dérangeants, ainsi qu'une violence psychologique et visuelle constante. Le tout servi par une mise en images lente et poétique.
Et filmé avec une grande maîtrise, technique tout d'abord, mais pas que. Il faut voir le fameux plan-séquence dans lequel Oh Dae-Su combat une horde de voyous avec un marteau pour seule arme. Imparfaite, car la chorégraphie n'est pas huilée et mécanique comme dans un bon film d'arts martiaux, elle n'en demeure pas moins réaliste, Oh Dae-Su reprenant son souffle entre deux coups portés, l'empathie est au "niveau max". Oui, même cette séquence est poétique. Et elle en devient parfaite à mes yeux, à l'image de chaque scène du film. Wook fait naître du sens dans ses images, quand bien même il n'y a pas de mots pour en donner. Une esthétique unique, une trouvaille à chaque nouvelle image.
Wook utilise la musique comme peu de personnes savent le faire. Oui Kar Wai, je pense à toi aussi en écrivant cela. Tes films, je les trouve très beaux (ceux que j'ai vus du moins), techniquement maîtrisés, et tu véhicules de belles émotions. Je n'ose imaginer la qualité de tes longs métrages, le jour où tu arrêteras de négliger la musique, ou juste de mal l'utiliser (car oui, passer le même titre, aussi bon soit-il, 7 ou 8 fois en 1h30 de film, tu peux penser ce que tu voudras, mais c'est mal l'utiliser !).
PARK, IL SONNE
Old Boy ne laisse pas indifférent. Que ce soit pour les acteurs, la musique, la mise en scène, les thèmes abordés, la poésie douce-amère, la noirceur, l'humour. Quelque chose vous interpellera, c'est certain.
"Mais quid de l'histoire, tu n'en as pratiquement pas parlé dans ta critique", me demanderez-vous ? A cela, je vous répondrai simplement qu'il faut expérimenter Old Boy, l'aimer, le détester, qu'importe, du moment qu'on le découvre en même temps qu'on le vit.
Old Boy constitue mon initiation au cinéma coréen, mon premier contact. Et si j'ai pu par la suite découvrir nombre de joyaux issus de cette contrée, le film de Park Chan-Wook reste à ce jour ma plus grosse claque cinématographique en provenance du pays du matin calme (et frais, pour les puristes). Un de mes meilleurs "souvenirs pelliculaires" tout court d'ailleurs, une oeuvre majeure dans mon parcours de cinéphile, savourée en VOST, et que je revois à loisir avec toujours le même sourire, le même malaise.