La vengeance est un thème qui a traversé tous les genres cinématographiques, allant du western (Il était une fois dans l'Ouest de Sergio Leone, Pale Rider, le cavalier solitaire de Clint Eastwood,...) au film d'action (les Kill Bill de Quentin Tarantino,...) en passant par la comédie (Louise-Michel de Gustave Kervern et Benoît Delépine,...) et bien évidemment les thriller (Les Nerfs à vif de Martin Scorsese, Le Limier de Joseph L. Mankiewicz,...). Cette vengeance se déroule soit à chaud, de façon impulsive (Le Vieux Fusil de Robert Enrico), soit à froid et dans ce cas, la vengeance devient calculée et implacable. Old Boy, film sud-coréen réalisé par Park Chan-wook rentre dans cette catégorie de vengeance qui se prépare, qui se savoure presque. Mais attention, une vengeance peut en cacher une autre...


Oh-Daesoo, père de famille, est enlevé après une soirée arrosée et un passage au commissariat. Il se réveille dans ce qui ressemble à une chambre d'hôtel, mais qui se révèle être une cellule. Séquestré, il y restera pendant quinze ans, uniquement rattaché au monde extérieur par une télévision. Il apprend ainsi, impuissant, que sa femme est assassinée et qu'il est le principal suspect. Avec patience, il creuse un trou dans l'un des murs pendant des années tout en s'entraînant à boxer un ennemi imaginaire. Relâché sans explications, Oh-Daesoo va alors enquête sur le responsable de son emprisonnement. Cherchant à accomplir sa propre vengeance, il découvrira qu'il est lui-même la victime d'une vengeance dont les racines plongent profondément dans le temps, remontant à l'adolescence de notre héros.


De la vengeance, Park Chan-wook en fera une trilogie. Sympathy for Mr. Vengeance (2002), Old Boy (2003) et Lady Vengeance (2005) sont des histoires indépendantes, sans lien narratif. Le point commun des différentes histoires de vengeances, c'est qu'elles sont menées dans le but de trouver une sorte de paix intérieure. Une quête illusoire qui, bien évidemment, n'aboutit pas au résultat escompté. Chaque protagoniste de la trilogie perdra en réalité quelque chose de matériel et/ou spirituel dans sa revanche.
Cette thématique de la vengeance sert de toile de fond à cette trilogie, mais le spectateur la retrouvera, peut-être abordée avec moins d'ambition, dans presque toutes les œuvres du réalisateur.


Park Chan-wook apporte un soin tout particulier à l'esthétique de sa mise en scène. Un esthétisme que l'on pourrait qualifier de malsain et perverti. On le retrouve dans la violence qui souvent frôle le morbide, avec notamment ce mythique plan séquence de la baston dans le couloir de la prison clandestine ou bien lorsqu'Oh-Daesoo dévore un poulpe vivant. Ceci étant dit, c'est surtout la violence psychologique et morale qui est le moteur de cette sombre histoire de vengeance. Il y a aussi une recherche cet esthétisme dans les décors, que ce soit la cellule glauque et vétuste d'Oh Dae-soo ou l'appartement épuré et futuriste de Lee Woo-jin.


Oh-Daesoo, ivrogne pathétique, geignard et lymphatique se transforme en bête sauvage, en un combattant hirsute digne d'un manga à l'issue de ses quinze ans d'enfermement. Le charisme étrange et inquiétant de l'acteur Choi Min-sik contraste avec son antagoniste capillaire, le beau et riche Lee Woo-jin, interprété par le jeune Yu Ji-tae. Ce dernier dégage une aura d'inhumanité, accentuée par une imposante cicatrice lui barrant la poitrine, souvenir d'une chirurgie cardiaque, imprégnant chez le spectateur l'image d'un homme sans cœur.


Park Chan-wook, l'un des grands artisans de la renommée du cinéma coréen sur la scène internationale, a obtenu le Grand prix du jury lors du Festival de Cannes pour Old Boy. Un film qui impressionne par la violence cathartique dans laquelle se perdent les personnages, ivres de vengeance.

Créée

le 8 mai 2020

Critique lue 1.3K fois

47 j'aime

2 commentaires

Vincent Ruozzi

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

47
2

D'autres avis sur Old Boy

Old Boy
Sergent_Pepper
9

Mignonne allons voir si l'hypnose...

Quand je suis allé voir Old Boy en 2004, j’ai été traumatisé dès les premières minutes. Toujours en avance dans mon petit cinéma art et essai préférée, j’ai savouré l’extinction des lumières et me...

le 10 déc. 2013

245 j'aime

10

Old Boy
LeChiendeSinope
10

Ris et tout le monde rira avec toi, pleure et tu seras le seul à pleurer.

La critique a défoncé ce film. Le traitant parfois de vulgaire jeu-vidéo. N'ont-ils donc rien compris au film, ou est-ce une manière de cracher sur la nouvelle vague sud-coréenne, ou même sur tous...

le 3 avr. 2010

209 j'aime

19

Old Boy
drélium
5

Comme son réal. Aussi gonflé que gonflant.

Le très maîtrisé et le très surfait se côtoient avec un rare équilibre dans Old Boy. Esthétiquement, le travail est très poussé, la mise en scène se veut (sur)stylisée et colle à l'ambiance glauque...

le 5 nov. 2010

149 j'aime

31

Du même critique

Whiplash
Vincent-Ruozzi
10

«Je vous promets du sang, de la sueur et des larmes»

Whiplash est un grand film. Il est, selon moi, le meilleur de l’année 2014. Une excellente histoire alliant le cinéma et la musique. Celle-ci ne se résume pas à une bande son, mais prend ici la place...

le 20 janv. 2015

192 j'aime

11

Mad Max - Fury Road
Vincent-Ruozzi
9

Sur les routes de Valhalla

Je viens de vivre un grand moment. Je ne sais pas si c’est un grand moment de cinéma, mais ce fût intense. Mad Max: Fury Road m’en a mis plein la gueule. Deux heures d’explosions, de fusillades et de...

le 16 mai 2015

182 j'aime

21

The Irishman
Vincent-Ruozzi
8

Le crépuscule des Dieux

Lèvres pincées, cheveux gominés, yeux plissés et rieurs, main plongée dans sa veste et crispée sur la crosse d'un revolver, Robert De Niro est dans mon salon, prêt à en découdre une nouvelle fois. Il...

le 29 nov. 2019

153 j'aime

10