On achève bien les gros explose les tabous. La protagoniste a une autodérision terrible et nous embarque dans le récit de sa vie de femme grosse, évidemment dur. Son but n'est pas de faire l'apologie de l'obésité, pas non plus de bodypositive : c'est ce qui rend le documentaire percutant.
Ici il est question de comment on devient, et on reste gros. Pas par choix, par envie, par paresse mais sous l'effet cumulé de facteurs physiques (génétique, hormonaux, mauvaises prescriptions) mais aussi sociaux et psychologiques. Il est question de l'hyperphagie, le fait de trop manger pour se faire violence, du harcèlement subi par les enfants gros, de la part de leur familles et de leurs camarades de classe, puis leurs collègues pouvant entraîner ces comportements de dévalorisation, et petit à petit de perte de confiance, de haine de soi, de pulsions autodestructrices pouvant mener... au fait de manger trop, justement, pour se détruire, comme d'autres prennent de la drogue ou se mutilent. Un cercle vicieux où la stigmatisation du gros rend paradoxalement toujours plus difficile le fait de devenir durablement moins gros.
Assez bien filmé mais sans immense originalité de montage, le documentaire tient par sa ligne claire, efficace et par le témoignage de Gabrielle Deydier, fort dans son honnêteté : pas de romantisation, pas d'autoapitoiement, pas de fausse bravoure non plus. Dure scène, où face à des lycéens curieux qui lui demandent si elle a déjà eu des relations sexuelles, des amis, on la sent habituée à la violence de ces questions et répond, affectée, mais tranquille.
Le sujet est passionnant et donne envie de davantage de détails et d'explications : l'hyperphagie est-elle une addiction ? Es t-on responsable de ses dépendances ? Qui les alimentent ?
Pas de conclusion moralisatrice, juste un constat : l'obsession de la société pour son poids, pour celui des autres est une phobie autoréalisatrice. Et un paradoxe : Une meilleure acceptation des gros permettrait-elle de redéfinir et réduire ce problème de santé publique ?