L’humour dans les films de genre… Un sujet assez improbable, quand y regarde de plus près. Loin d’être inconciliables, ces deux catégories cinématographiques ont un peu de mal à cohabiter dans la même œuvre. Si je devais me risquer à choisir une image, je choisirais un cocktail : l’humour serait un peu le fruit ou la feuille de menthe, un joli petit ornement qui ne se mélange pas vraiment aux autres ingrédients, mais dont on sent parfois la présence en fonction du talent du préparateur.
De ce point de vue, l’humour reste souvent un petit plus, pas forcément bien exploité ou carrément involontaire, à l’instar de ces nanards qui pullulent depuis le milieu des années 80, et dont je me délecte encore aujourd’hui.
Mais dans tout cet amas grouillant de bonnes intentions, il y a pourtant de vraies petites perles de savoir-faire, mêlant avec un talent certain subversion, clin d’œil osés et talent de mise en scène. Si mon maître-étalon reste Shaun of the Dead, j’ai découvert de sérieux concurrents ces dernières années, avec What we do in the Shadows, Discopathe ou Tucker and Dale Vs Evil pour ne citer qu’eux.
Si mon premier exemple mettait en avant une histoire à hurler de rire et des personnages délicieusement grotesques, le deux autres jouaient clairement sur les codes du genre et les stéréotypes Américains.
Et là où je trouve Jeeg Robot absolument génial, c’est qu’il se paie le luxe de réunir l’ensemble de ces éléments dans un festival grinçant et subversif ; avec beaucoup de générosité pour le spectateur et en le prenant toujours à contre-pied.
L’histoire est celle d’un looser dans tous les sens du terme, asocial, fainéant, nombriliste… Qui se confronte tous les jours à une vie sans intérêt, faite de petits larcins et d’embrouilles toutes plus navrantes les unes que les autres. Il est aussi assez amusant de voir que l’une d’elle lui aurait coûté la vie s’il n’avait pas été mis en contact avec ce produit chimique mystérieux.
Gabriele Mainetti s’éclatera ainsi à aller au bout de chaque raisonnement, de chaque vanne ; en assumant le plus trash comme le plus inattendu.
Et là où j’ai trouvé le film génial, c’est que ce mélange des genres vaut pour tous les domaines. De l’humour à l’évolution de l’histoire ou des personnages. On va donc facilement faire de l’empathie pour la bande de malfrats emmenés par Lo Zingaro et ses improbables talents de chanteurs. Mais au-delà de cet exemple, on apprécie surtout les critiques subversives de nos travers contemporains, qui atteignent des summums d’imaginations et une justesse peu commune. On y trouve de tout : critique de la recherche de la célébrité, (The Voice) de la société de consommation, interrogations sur la folie (personnage d’Alessia) ou sur la solitude… C’est un vrai festival.
Côté technique, c’est aussi un pur bonheur, avec non seulement des fulgurances techniques mais aussi des scènes d’actions très lisibles.
Je retiens par exemple la scène de vengeance de Lo, absolument jouissive : il se pointe au domicile de Nunzia, pose un une caméra pour filmer sa scène et lance une musique pop improbable avant de balancer des torgnoles hyper violentes à tout va. Mais le plus beau tient dans la manière de filmer et le décalage que cela procure. Lo, lors d’un ralenti digne de Matrix, va asséner un marron une petite vieille, qui lâche du coup le fer à repasser qu’elle allait lui coller en travers de la tronche ; avant d’aller péter des bras et d’envoyer voler les autres personnages dans toute la pièce. Le décalage entre la sérénité d’avant le massacre et la modernité crue du shooting est une vraie torgnole en soi. Et tout le film est à cette image. On veut vous sortir de votre zone de confort, vous amener constamment vers la nouveauté, vers l’inattendu.
Alors tout n’est pas parfait, quelques passages (nécessaires au déroulé de l’histoire) sont un peu longuets, mais je ne me suis jamais ennuyé pour autant.
Je vous conseille donc vivement cet excellent film, qui ne manquera pas de vous pousser dans vos retranchements, l’air de rien, mais qui saura surtout vous faire marrer sur tous les spectres de l’humour.