Pendant ce temps, Captain America 3 se tape 1 milliard $ de recettes...

Pour moi, le cinéma italien est mort depuis le milieu des années 80, clôturant le chapitre d'une très belle époque de liberté artistique. Un phénomène semblable à celui de la France va arriver au même moment: Une disparition progressive du cinéma de genre ou transgressif pour laisser place à une quasi omniprésence de comédies formatées et de films d'auteur pour festivals (oui, je caricature un peu, mais vous voyez ce que je veux dire). Passer de Nous nous sommes tant aimés à Mia Madre, ça fait mal!


Heureusement, une petite lueur d'espoir est apparue un doux soir de fin juin, pendant le Brussels Film Festival: Lo chiamavano Jeeg Robot! On pouvait craindre une parodie de super-hero movie à la Kick Ass, qui déstructure comme un bourrin le genre et qui n'est que dans une "posture cool" bien irritante.


Rien que par la mise en scène, il refuse cette filiation: point d'effet de style putassier ni de montage clipesque mais une réalisation sobre, s'attachant à faire ressentir un certain réalisme bien qu'elle sait se montrer dynamique et ultra efficace lors des scènes d'action (masquant habilement le petit budget de ce premier film).
Gabriele Mainetti aime sincèrement le mythe du super-héros et le revisite en reprenant ses codes et les étapes qui le composent (accident, découverte du pouvoir, maladresse des premières actions super-héroïques, dilemme moral etc...) mais y instaure un décalage et un humour vraiment géniaux basés sur le contexte social très fort du récit (banlieue sinistre en périphérie de Rome, mafia à la Gomorra etc...) et sur le personnage principal (joué par un Claudio Santamaria à la fois brute et candide: il est génial!), Enzo, complètement à l'opposé du protagoniste conventionnel (truand minable, insociable, misanthrope etc...). On a donc affaire à un réel film de super-héros, se concluant d'ailleurs par un dénouement tout ce qui a de plus sérieux et spectaculaire!


Il incorpore aussi des éléments contemporains au mythe comme les réseaux sociaux et par extension, des thèmes comme le culte du paraître, la starification à tout prix qui sont intelligemment exprimés à travers le méchant du film, Fabio: un caïd ultra violent, maniaque obsessionnel et ayant soif de reconnaissance. On a déjà vu ce genre de personnage mais l'acteur le jouant est tellement investi et le rôle tellement ridicule/hilarant que ça marche à mort! Son antagonisme avec Enzo est le plus prenant que j'ai pu voir au cinéma ces dernières années, et de loin!


Je m'y attendais pas du tout mais le film me touche énormément par son histoire d'amour qui, pour le coup, fait preuve d'une réelle originalité. Oubliez les Mary Jane et autre Lois Lane et laissez place à une attardée mentale obsédée par un dessin animé japonais: Kotetsu Jeeg. Projetant ce super-robot sur le potentiel héroïque d'Enzo (super running gag dans le film d'ailleurs), c'est elle qui permettra que "les grands pouvoirs de ce dernier impliquent de grandes responsabilités"! De cette belle relation naîtra aussi les séquences les plus émouvantes du métrage (les scènes de la cabine d'essayage et de la grande roue), preuve de l'ingénieux mélange des genres qui évoque pas mal District 9 ou les Indestructibles! J'pense que ça fait depuis Two Lovers que j'avais pas été pris par une romance aussi forte...


Voilà, un putain de bol d'air entre Captain America 3 et Suicide Squad. Drôle, violent, étonnant, émouvant et sensationnel: Lo chiamavano Jeeg Robot est tout ça à la fois et fait office de miracle dans le cinéma européen!
Je sais malheureusement pas si ça sortira dans les salles françaises et belges mais vous savez ce qui vous reste à faire si il se fraye un petit chemin sur les rayons DVD ou dans nos cinémas...

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le 24 juin 2016

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Wobot

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