La sortie d’un film de Sofia Coppola suscite toujours un vif intérêt, en raison de ses précédents longs-métrages, dont certains sont remarquables, et de sa touche personnelle d’auteure à part entière ayant réussi à se faire son propre nom – bien que son nom propre nous renvoie inévitablement à son père.
De père et de sa présence subie il est d’ailleurs question dans on the rocks : histoire fusionnelle du créateur éternellement lié à sa création, pour laquelle il consacre sa vie et à laquelle il voue un amour sans failles dans lequel il se reflète lui-même : une sorte d’altruisme égoïste. C’est bien ce dont il s’agit ici : Felix (Bill Murray) projetant son passé sur l’avenir qu’incarne sa fille, ses expériences, ses aventures, ses ruptures, la modelant émotionnellement, lui donnant la forme qu’il prétend, l’entraînant dans son délire créatif tandis que la création se laisse faire en toute confiance.
De confiance, Laura (Rashida Jones, elle-même fille de Quincy Jones) a justement grandement besoin, elle qui doute, non seulement d’elle-même avec son inféconde période d’écrivaine souffrant du syndrome de la page blanche, mais aussi de son mari souvent absent et dont les rapports professionnels suscitent sa suspicion. Toutefois, elle ne sombre pas dans la névrose ou autres pathologies aiguës, au contraire de son amie dont elle doit se taper l’interminable récit des pathétiques déboires amoureux.
C’est là un des points où Coppola fait fort : elle évite la banale comédie romantico-dramatique et ses conflits stéréotypés dont elle se détourne du consubstantiel pathos. Certes, elle manque parfois d’originalité, surtout avec le personnage de Dean, le mari (ou veut-elle volontairement en faire un homme quelconque ?) mais surprend à des biens des occasions avec le personnage de Felix, le père (p.e. l’improbable Alfa Romeo pétardant dans les rues de NY introduisant l’excellente scène avec les flics, la scène faussement marivaudesque du voyage au Mexique), incarné par un Bill Murray surjouant un peu trop son côté mélancolique de Lost in Translation selon nous, mais avec une aura incroyable qui porte indéniablement le film.
Avec un scénario haletant nettement influencé par la forme de la série, Sofia Coppola réfléchit avec légèreté sur le rôle de mère, de femme, de fille en livrant une part impondérable d’elle-même. Un beau film, où douceur et douleur se mêlent.