Il y a maintenant ce petit plaisir lorsqu'on déguste un nouveau Tarantino, on connaît certains ingrédients, comme des gueules familières, des plans soignés, des comédiens récitant à merveille leurs partitions ou encore une bande-originale aux petits oignons, mais on ne sait jamais à quelle sauce il va être servi, tant il arrive à surprendre malgré ces ingrédients récurrents.
Il nous offre ici une ballade dans l'Hollywood de la fin des années 1960, mais pas forcément le plus clinquant, celui des séries B, des techniciens, cascadeurs et comédiens à la gloire relative et éphémère, avec la tragédie de la secte Manson planant sur tout le récit. Plus qu'une déclaration d'amour au cinéma, ce qu'il fait régulièrement, c'est une époque qu'il met en scène, des portraits alors que le monde vit des changements importants, deux gueules tentant de survivre à Hollywood face à la fin du rêve Hippie, et une violence que l'on va retrouver à l'intérieur du pays alors qu'elle fait déjà rage au Vietnam.
Il raconte donc cette fascinante année 1969 à travers trois destins, mêle habilement le réel et l'imaginaire et inscrit des véritables acteurs de cette période dans sa fable mélancolique, aspect traversant les 161 minutes de film. Il surprend, prend son temps et n'utilise plus vraiment les dialogues chocs pour rythmer son oeuvre, il laisse les personnages et événements s'en charger eux-même. Il pose sa caméra et ce sont les comédiens qui se chargent de faire avancer le film, doucement, nous laissant le temps d'imprégner ce parfum mélancolique, et Tarantino met l'accent sur l'humanité de tout ce monde, à l'image de la crise existentielle de ce comédien cherchant son cachet dans des productions étrangères qu'il ne voit pas d'un bon œil ou en méchant de service destiné à la télévision.
On croise du monde dans ce Los Angeles et on sent aussi que Tarantino se fait plaisir à mettre en scène, soit des personnalités, soit des personnages typés de cette période. Il sait être juste, mais aussi rire de certains et tirer diverses émotions d'autres, il s'attache à des détails qu'il rend croustillant et plusieurs séquences semblant anodines deviennent mémorables. L'ambiance est marquante, vient de plusieurs éléments et reste en mémoire, se révèle parfois étrange au gré des humeurs misent en avant dans le film. Enfin, si cette fresque se révèle marquante, elle le doit aussi à ses comédiens, en particulier le duo Di Caprio / Brad Pitt, fonctionnant à merveille avec ces deux personnages opposés socialement mais réunis pour toujours, dans les flammes ou dans la poussière.
En signant Once Upon a Time in... Hollywood, Quentin Tarantino pose enfin sa caméra et laisse le temps, la mélancolie et ses comédiens dicter le rythme et l'histoire qu'elle raconte, la petite et la grande, celle de deux vagabonds d'Hollywood et celle des Etats-Unis d'Amérique, par le prisme de ses stars, ses rêves et désillusions.