C'est le sourire aux lèvres que j'ai quitté hier soir le dernier film de QT...
Ce sera une critique partiale, très subjective, très charitable, pas celle d'un cinéphile exigeant.


Once Upon a Time... in Hollywood ne m'a paru ni un chef d'oeuvre, ni un film particulièrement important, ni même, comme certains journaux le crient, le meilleur film de son auteur (je reste fidèle à Pulp Fiction), mais c'est un film sincère et doux. Que l'on soit bien d'accord : le scénario n'a rien de particulièrement exceptionnel, le long-métrage n'est pas sans longueur, et qui ne connaît pas ce qui s'est passé, tant pour le cinéma que pour l'Amérique, en cet an de grâce 1969 sera un peu perdu. Mais il a une qualité décisive, pas si fréquente : c'est un film attachant. Il triomphe là où tant de comédies rasoirs et de "feel good movies" échouent lamentablement : là où ces dernières productions forcent la séduction du spectateur et la mièvrerie formatée, le dernier Tarantino n'est dicté que par le plaisir de son réalisateur, qu'il communique par là au public. Avec son regard d'enfant (doublement, à savoir celui du véritable petit QT dans les 60s et celui qu'il a toujours gardé, dans ses films jouissifs et grand-guignolesques), il fait un film rêvé, une reconstitution mélancolique, un brin nostalgique (et cela pleinement assumé), de cet Hollywood flamboyant, tendu entre l'âge d'Or et le Nouvel Hollywood. Il chronique l'insouciance encore bien réelle d'une ville frénétique, bruyante, qui n'est pas sans douceur de vivre. Où l'idéal hippie, avant que les meurtres de Manson n'y mettent un terme, a encore du sens. Même si l'on peut supposer que c'est ce Los Angeles reconstitué avec brio qui a la première place, les personnages du film ont aussi toute l'affection de son réalisateur : un raté sympathique un peu sorti des Frères Coen ; un personnage flegmatique et mélancolique, serein et solitaire ; une jeune actrice en devenir qui achète un livre de Thomas Hardy et qui va se voir au cinéma.


C'est en un sens un pur film de Tarantino (plans de pieds, liberté narrative avec voix off farfelue et arrêts sur image, fétichisme cinématographique, références à gogo, bain de sang final, bande originale comme d'habitude impeccable, montagnes russes entre humour et angoisse...) et un OVNI total dans sa filmographie : en effet, quel silence ! Les dialogues longs, alambiqués, embarrassants autant que savoureux, qui sont sa marque de fabrique habituelle, semblent avoir quasiment disparus ici ! Malgré les rutilements des moteurs et les radios à fond, le conte de QT est presque un film contemplatif : comme s'il avait voulu rendre presque muets ses personnages pour faire d'eux des entités qui oscillent entre acteurs et témoins (on pense à Margot Robbie au cinéma, ou Brad Pitt sur le toit de la maison de Cielo Drive), comme si une certaine retenue, une certaine timidité était nécessaire pour rendre compte du fracas de ces studios qui ne dorment jamais.


Enfin, oui, QT réécrit l'histoire (de même que dans Inglorious Basterds, il arrêtait la barbarie nazie en 1942). Les meurtres monstrueux de Manson signaient la fin de l'innocence et d'une certaine utopie mais comme le cinéma, ce n'est pas la vie, on aurait tort d'y chercher le réel : le 1969 du film n'existe pas, donc il peut bien être prolongé. En faisant des adeptes de la Family des débiles qui, presque, se trompent de maison (en changeant leur plan macabre au dernier moment), s'introduisant dans la maison du couple Pitt aux gros bras et Di Caprio au lance-flammes et non dans celle de Sharon Tate, le film efface le cauchemar : la fête peut continuer. Le cinéma répare les plaies et fait miroiter un autre monde qui ne se limite pas au fait brut. Voilà ce qui aurait dû se passer pour QT : quelques fêlés n'auraient jamais dû mettre un terme au Summer of Love.
D'aucuns pourront trouver cette entreprise sinon piteuse et puérile, du moins complètement vaine, j'en ai bien conscience. Mais je l'ai dit, prendre ce film pour plus qu'il n'est, soit une forme d'utopie cinématographique, un conte loufoque, une jouissance nostalgique, c'est rater son intérêt. A défaut de la profondeur ou de la métaphysique, Once Upon a Time... in Hollywood a la tendresse et l'honnêteté : on aurait tort de s'en plaindre, tant cela manque.


PS : Je ne sais pas pourquoi, tant cela n'a rien à voir, je compare ce film à la dernière Palme d'Or, Parasite. Cette dernière avait toutes les qualités que le dernier QT n'a manifestement pas - ou très peu : un scénario brillant, un rythme parfaitement maîtrisé, une esthétique originale, une résonance politique bien réelle, et une grande lucidité. Mais il manquait au premier de la classe qu'est Parasites cette chose essentielle : ce n'est pas un film attachant (et cela n'est pas relatif au sujet traité), et je ne le reverrai sans doute pas. A l'inverse, Once Upon a Time... in Hollywood, avec ses points faibles est, en tout cas pour moi, un film-totem, de chevet et il me tarde, déjà, de le revoir.

Lowry_Sam
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le 18 août 2019

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Sam Lowry

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