Cette Palme d'Or 2010, décernée par un Tim Burton venant d'entamer sa descente aux enfers artistique, n'a pas été largement approuvée, et n'a pas vraiment divisé non plus... Personnellement, la bande-annonce m'avait beaucoup intrigué, et je l'ai trouvé très claire dans ses intentions, soit un rêve métaphysique où il ne faut JUSTEMENT PAS y chercher un sens. Comme une ballade mystérieuse, où les décors nous échappent, et où il faut se laisser emporter par le symbolisme. A travers cet état d'esprit, je n'ai pas été déçu en voyant "Oncle Boonmee", parce qu'il a selon moi parfaitement rempli ce contrat. Après, si c'est une décision artistique faite pour plaire au plus grand nombre... Dans un monde où une banane accrochée aux murs peut se vendre à des millions, je crois que l'Art moderne a encore de beaux jours devant lui. Parce que je pense que ce long-métrage est vraiment à ranger dans cette catégorie, sauf que dans ce cas-ci on n'est pas dans l’arnaque, c'est beaucoup plus pensé. Même si je préfère "Inception" à "Oncle Boonmee", ce dernier réussit ce que le premier a raté : rendre explicite le chaos d'un rêve. Chaos philosophique, chaos imagé, et pourtant tout se passe très calmement, à l'abri des besoins humains, dans un univers qui semble n'avoir aucune autre issue que la Mort (faut voir la réaction de la famille en revoyant ses membres disparus). En cela, dans ce contexte métaphysique, un buffle simplement ombré, devant un brouillard bleu, insinue que c'est un homme réincarné, sans aucun autre indice que sa lumière ; un homme singe aux yeux rouges devient très marquant, se gravant dans notre imaginaire comme s'il avait toujours été là ; une princesse Lépreuse et son histoire avec le poisson chat s'avère une métaphore magnifique et un segment aussi hypnotique que d'autres bien plus cryptés. Après, je pense que Weerasatakul n'est pas allé jusqu'au bout de la démarche. Pas dans sa lenteur, conséquente, et parfois exagérée, mais plutôt dans l'idée des vies antérieures, qui n'est vraiment illustrée qu'à travers 2-3 segments. Le reste est soit recherches personnelles, dans une Tailande indiscernable, soit scènes de discussions crépusculaires, où l'on sent que les personnages déjà n'y croient plus. Le protagoniste est déjà parti, mentalement.
Voilà pourquoi, malgré son extrémisme stylistique, j'ai vraiment beaucoup apprécié cette ballade où on ne m'a jamais tenu la main. J'ai aimé ne pas comprendre. Parce que, comme l'a très bien dit Burton, et c'est finalement tout ce qu'il y a à retenir, et c'est finalement beaucoup en ces temps cinématographiques où Tarkovsky passe de plus en plus pour un réalisateur expérimental : "C'est un rêve beau et étrange." C'est tout. J'en demandais pas plus.